[RP] Noces d'A&A - 9 octobre 1462

Il est d'usage de passer une alliance à l'annulaire gauche. Mais faute de main gauche éligible, c'est à la droite qu'Adelphe procéda à la remise de l'anneau. Cela se fit comme elle s'y attendait, sans heurts, avec douceurs. L'incartade du début de cérémonie était tout à fait oubliée.
L'alliance qu'il avait choisie pour elle était jolie, semée de petites fleurs de lin, son symbole. Touchée, elle l'était assurément. Lorsqu'elle vit le gage d'amour qu'il sortit, identiquement semé de fleurs, son coeur s'emballa. Comme il y mettait du sien ! Elle n'avait pas soupçonné cela. Bien sûr, le contrat de mariage stipulait qu'il lui devait un gage d'amour, mais ne précisait ni quoi, ni quand ni où il devrait être remis. Pourtant, c'était cela, elle le sentait à son regard hésitant, comme craignant un jugement trop sévère.
Pour l'aider à lui passer la pomme de senteur autour du coup, elle inclina légèrement la tête, et son touret couronné menaça de glisser à l'avant de son front. Alors qu'elle relève la tête, il s'approche, avec un douceur irrésistible, et ce qu'elle croit un chaste baiser est en fait une poignée de mots, comme la foudre frappant sur son âme.

Elle fut éblouie. Sa vue était brouillée, ses sens égarés. Elle s'agrippa au bras d'Adelphe, pour ne pas tomber. C'était comme revoir le grand amour de votre vie, quand vous le croyez perdu à jamais, quand vous n'êtes plus sûr de lui appartenir, quand cette incertitude brime la pagaille de sentiments qui s'agitent en vous. C'est une sensation si intense que vous ignorez si c'est de la joie ou de la douleur. Le coeur bat à déchirer votre poitrine, au point que ça fait mal, que ça tape, que ça étourdit. Votre souffle, lui, est court, vous ne savez plus respirer, et de tant de sentiments, vous pourriez mourir.
Aimelina ne sait plus où est le Nord, où est le Sud. Elle ne sait plus qui elle vient d'épouser, le père de Cristòl ou l'autre. Les deux, peut-être. Naufragée du passé, elle se cramponne à Adelphe, essaie de respirer, d'abord difficilement, puis avec une aisance croissante. Sa vue revient. Le malaise a-t-il été long ? Elle ne sait le dire. Elle a le corps tout fiévreux encore de cette humeur qui s'était durablement instillée dans tous ses membres.
Son regard se tourne vers Perrinne, qui peut-être avait été la complice d'Adelphe. Qui d'autre ? Douce amie, belle sœur... Si j'avais su tout ce que tu as consenti pour nous !

Merci...

Son regard était revenu à Adelphe. Elle relâcha son étreinte et porta la main à la pomme de senteur. Là, elle sentit qu'elle allait pleurer, alors elle lâcha tout et plongea sa main droite, la seule visible ce jour-là, sous sa grande cape de soie. Dans une petite poche intérieure, elle prit l'alliance réservée à Adelphe, une alliance toute simple. Un anneau d'or, large comme la moitié d'un ongle, avec trois ciselures sur le dessus : deux feuilles de chêne encadraient un sōwilō. C'était la rune de ses aïeux, la première lettre de Sìarr, dans ce jardin de Casalièr. C'était le pouvoir du soleil du sud, et pourtant un emblème du nord, une lettre de vieux norrois. Ils étaient tous les deux à la fois du nord et du sud. Comme Cristòl l'était.
Elle s'en remit à Adelphe pour maintenir sa main fermement à la bonne hauteur, car elle-même n'en avait qu'une pour procéder au rituel, qu'elle avait choisi différent et complémentaire de celui de l'époux.

Par cet anel l'Eglise enjoint, anneau au pouce.
Que nos deux coeurs en un soient joints, anneau à l'index.
Par vrai amour et loyale foi, anneau au majeur.
Pour tant je te mets en ce doigt ; anneau à sa place éternelle.

Elle sentait la pomme de senteur palpiter à la place de son coeur. Elle joignit ses doigts à ceux d'Adelphe et leva les yeux vers lui. Ils n'étaient plus qu'un.