[RP] Les octrois lapino-linètesques

Eirwen venait de m'offrir à la fois un secours providentiel et un inconfort certain. Je n'avais jamais aimé la lumière. Il m'était difficile de me retrouver dans cette position. Pourtant, parce que c'était là une invitation dictée par le cœur, je m'avançais pour répondre à la requête.

Afin d'être moins celle que l'on regardait, je parais mon bras de celui de Guillaume que je saisis au passage sans lui demander son avis*. C'était sa faute aussi ! S'il ne m'avait pas adressé ce sourire, jamais cette idée farfelue n'aurait germé dans mon esprit ! Ainsi je me persuadais que c'était lui qui attirerait les regards. Il était aussi blond que j'étais brune : ses cheveux captaient l'or du soleil alors que les miens absorbaient sa lumière. J'étais persuadée donc que l'on ne regarderait que lui. Il ne pouvait donc, à mes yeux, y avoir meilleure option. Je m'en voulais tout de même un peu de le jeter ainsi dans l'arène, mais cela m'était nécessaire en cet instant, et je m'en excuserai auprès de lui plus tard. Et puis, ma présence l'aiderait peut-être à surmonter la perte de son père. Je ne connaissais que trop bien ce sentiment. Après tout, n'avais-je pas perdu mon père, ma sœur et mon frère avant cet instant ?

Je l'emportais donc vers ma blonde préceptrice, vers celle qui m'avait été une sœur aînée et qui m'avait appris et donné tant. Les joues toujours rosies, tant par ma hardiesse que par la présence d'un être aux attributs indéniablement masculins à mes côtés, je gagnais l'estrade.

*En attente de l'accord de LJD Guillaume, j'éditerai si besoin.

Ils étaient tous réunis. Tous serrés contre elle, serrés par elle. Adoptés, récupérés, illégitimes ou légitimes, à l'unisson dans cet élan d'amour. Eirwen était heureuse. L'espace d'un instant, l'annonce de la mort de leur père s'était effacée, remplacée par le bonheur simple d'être ensemble. Mais, comme les vagues inlassablement effacent les pas sur la plage, les secondes firent leur œuvre. L'instant n'était plus. Fini, passé, dépassé, presque déjà oublié. Le temps reprenait son cour, et prenant ses mains, Jehanne signa le pacte d'un baiser. Après cet instant de tendresse, venait l'instant d'incertitude. Elle pouvait encore refuser. Refuser d'honorer un père, de chérir la mémoire d'une mère et l'amour d'une sœur. Refuser et conserver sa petite vie faite de tout et de rien. Refuser et devenir Eirwen l'égoïste. Celle qui trompe au moment fatidique. Mais elle n'était rien de tout cela. La blonde ne savait que trop bien qu'elle ne saurait faire du mal à sa famille et que ce don allait lui ouvrir les portes d'une nouvelle vie. Une vie qui aurait sans doute son lot d'autres bonheurs. Des bonheurs à découvrir et à rechercher. Un titre ne la changerait pas, elle conserverait ses amis. Elle resterait la même. Faire un peu plus attention, peut-être, avoir plus de responsabilités, sans doute, passer plus de temps à lire qu'à travailler, certainement. Vu qu'elle ne travaillerait plus au sens stricte du terme. Après tout, c'était un bon coté.

" Toujours je te serais fidèle, ma sœur. Mes conseils et mon aide te seront acquis comme ils l'ont toujours été. Je t'en fais la promesse. Je serais là pour toi. Je serais là pour notre famille. "

Esquissant un petit sourire tandis qu'une larme glissait sur sa joue et atteignait l'ourlet de ses lèvres, la nouvelle Dame de Vergèze hésita un instant avant d'ajouter à mi-voix.

" Je serais là pour toute la famille. Famille de sang, de lait ou de cœur, peu m'importe, je serais là. "

Ce n’est plus un Corbeau a l’œil sec et sombre qui observait la scène. L’œil sec et sombre avait cédé la place a l’œil attendrissant et heureux. Ce changement plutôt soudain survint il y a quelques années, lors d’un banquet au Louvre a l’occasion du règne de la Reyne. Son Suzerain, Cristol lui avait présenté Dona Eirwen. Même si ce n’était probablement pas un sentiment réciproque, le Baron était presque instantanément tombé sous le charme de la blonde. Même s’il avait prévu de passer du temps à la rencontrer, son devoir de garde du corps de la Reyne l’avait tenu éloigné du pays d’Oc. Malgré les nombreux lieux parcourut chaque jour ; l’éloignant chaque jour un peu plus du Languedoc, malgré les combats journaliers, malgré les blessures, malgré les privations, le vieux bourru avait prit pour habitude d’écrire a sa promise de façon régulière.

Leurs missives étaient des plus respectueuses et les deux partis ne se permettaient pas de familiarités, leurs lettres se terminant toujours ou presque par des «Qu’Aristote vous protégé» ou encore des «Cordialement ». Finalement avec le temps les lettres devenaient plus personnelles, même s’il ne devait être facile pour la blonde d’accepter voir se soumettre a la décision de son père adoptif. Entre les lignes de ses missives, le Corbeau pouvait sentir une bataille terrible entre ses sentiments et sa fierté. Car la blonde était fière. Fière de ses racines. Fière de sa jeunesse. Malgré ce sentiment, Pérignan persévérait.

Lors des joutes comtales pour trouver le champion Languedocien, la jeune femme lui avait porté ses faveurs. Celles-ci lui apportèrent chance pour arriver jusqu’en finale. Cette chance cessa en finale. Etrangement, le regard de la blonde avait peut-être affectée la décision de Dame Chance à ce moment décisif. Elle venait d’être contrariée pour une raison obscure au Baron. Malgré cette défaite, Finubar voulait avant tout prouver une chose importante a la Noblesse qui l’avait quelque peu prit de haut par rapport a son handicap, il était toujours hardi et ne recule pas face a l’adversité. Son seul malheur fut d’avoir perdu la finale en portant les couleurs de sa Suzeraine.

Le serment fut prononcé. Serment différent. Différent dans le sens qu’il fut fait d’une sœur à une sœur, emplie d’amour et de promesses.
Aujourd’hui, l’Anar allait renouveler son serment à sa Suzeraine. Comment allait-il le faire ? Le ferait-il de la même façon que celui fait a Cristol ? Ou y mettrai t-il plus de formes ? Devrait-il lui jurer de continuer de représenter ses couleurs lors de joutes ? Ou sa nouvelle Suzeraine le pousserait à prendre « retraite » ? Toutes ses questions se bousculaient dans son esprit. Le manchot ferait certainement comme a son habitude : Il improvisera le moment venu.

Une petite crampe le fit sortir de cet état de réflexion. Sa blessure au bras lors des joutes le démangeait de temps à autre. Mais la douleur ci, était plus mordante qu’a l’habituelle. Serrant les dents, il porta sa main à hauteur de torse et fit aller ses doigts comme si un instrument imaginaire était entre ses doigts. Quelques instants plus tard la douleur se dissipa.

Le Corbeau piaffa et pensa en son fort intérieur.

*Il ne manquerait plus qu’on me l’enlève aussi celui-là ! *

Elle avait fini par reprendre contenance, se rappelant qu'elle n'était pas là pour faire honte à son époux et à sa Suzeraine, Suzeraine qui lui avait d'ailleurs mis un verre en main, chose qui sans doute lui avait permis de sortir de sa torpeur.

Elle posa sa main libre sur celle de son époux qu'il avait déposé sur son épaule puis se leva. Elle posa le verre sur quelque desserte et retourna vers celui qui avait besoin d'elle. Elle vit à peine les autres présents mi perdus, mi résignés, n'entendit pas vraiment plus les serments échangés ne pensant qu'à celui qu'elle accompagnait.

L'ayant rejoint, elle prit la main de l'Aimé dans la sienne, la serra un peu plus et murmura pour lui seul en le regardant dans les yeux...

Je serai là...

Mais c'est un tout autre visage qui vient à sa rencontre. De l'une des autres filles de ce véritable nid à gonzesses qu'était la mesnie de Síarr. Mais à cet instant, le Languedocien de Champagne (vive la mobilité des étudiants!) n'en avait cure, ni n'en faisait quelque pique plus ou moins élégante. Tout au plus renifla-t-il et se torcha-t-il les yeux d'un revers de la manche. Pour effacer ce qui pouvait l'être. Pour tenter d'offrir un visage convenable à l'assemblée. Pour être le bâtard de Síarr tout simplement.

Plus facile à dire qu'à faire. C'est toujours un visage ravagé qui rejoint l'estrade. Guillaume n'est pas véritablement présent. Il ne peut s'empêcher de se souvenir du passé, de tout ce qui s'est passé et les a uni. Si peu de temps, au final. L'arrivée dans le Sud, la rencontre de tous ceux qui ne le connaissaient pas. Et qui tous s'étaient montrés parfait. Comme si l'on n'attendait plus que lui. Le voyage à Rome aussi, bien sûr. Les leçons reçues et suivies. Seul ou avec elle(s).

À voir, ou plutôt à deviner, la foule autour de lui, il comprend. Il comprend que la sera désormais et jusqu'au terme de son existence sa seule famille. Il ne sera plus le fils d'une paysanne, il est membre d'un noble lignage, entouré de fidèles et d'amis. Il ne pourra leur faire défaut. Il comprend, enfin, qu'on l'a sauvé de la chute en le conduisant ici.

Et il glisse à l'oreille de la neuve maîtresse du Gévaudan un « merci » plus murmuré que jamais mais plus honnête que tous les salamalecs obséquieux dont il s'était par ailleurs fait une réelle spécialité.

Jehanne Elissa avança le bras et récupéra la larme d'Eirwen. L'émotion de la jeune femme devait sans doute mêler, comme en la Volpilhat, le deuil, le sentiment familial, le poids du changement. D'un mouvement de main, elle expédia la larme à terre.

- « Eirwen, tu n'as pas à pleurer. L'émotion est mienne, je te dois tant de choses que cette seigneurie en simple héritage, c'est trop peu ! Je te souhaite tellement plus, dans la vie... Et je te promets que toujours, je t'assurerai protection, justice, et que par moi, dussé-je moi-même manquer, toi, tu ne manqueras de rien pour subsister. Tu es désormais Dòna de Vergèsas et en voici le symbole... »

La Vicomtesse chercha un instant du regard l'objet de son doux méfait ; cette malle était à Saint-Félix depuis bien longtemps, et seules les sœurs Alanha-Sìarr étaient dans la confidence. Jehanne se dirigea vers elle et tendit sa main à Eirwen, l'invitant à venir elle aussi à son côté. Il était temps d'ouvrir la malle...

[RP] Les octrois lapino-linètesques - Page 3 Malleeirwen

[RP] Les octrois lapino-linètesques - Page 3 Malleeirwen

(Cliquer ici pour ouvrir la malle - Réalisé par LJD Zagelle)

L'étreinte d'Eirwen, la réponse de Puèchgaug... Tout cela dépassa un peu la Linèta. Comme le soufflé qui retombait, désormais que le deuil de son père n'était plus son secret, elle s'en sentait dépossédée, ou plutôt lui semblait-il ne plus avoir rien pour elle. Désintégrée, hors de l'espace, hors du temps. Il lui fallait se ressaisir, s'occuper l'esprit, se raccrocher à l'un ou l'autre des proches présents. Jehanne appelant Eirwen, Eirwen conviant la fratrie... Tout cela était une danse qui lui donnait le tournis. Et puis, ses yeux s'ouvrirent à nouveau. Le monde n'avait plus la même allure ; le donjon de Saint-Félix lui-même lui paraissait étranger. Séculaire.

Que leur offrirait l'avenir ? Un mariage, pour certaines d'entre elles ? Et son bel et blond de frère, se marierait-il ? Elle l'avait un jour taquiné sur l'idée qu'il épousât Magalona, puisqu'ils n'avaient point de sang en commun ; et les voilà tous deux bras dessus-dessous, à côté d'Eirwen. Le cœur d'Aimelina se pince... à quoi pensait-elle ! Vouloir marier les autres car elle-même ne le pouvait point ? Un mariage... Comme cette robe, que Jehanne offrait enfin à Eirwen. Depuis le temps qu'elles la conservaient précieusement !

Mais le déclic ne se produisit pas à la vue de cette robe ; ou plutôt, pas à propos de cette robe. Jehanne offrait son cadeau à Eirwen, mais avait tout à fait oublié de sanctionner l'allégeance d'Actarius par un présent symbolique !
Alors que tous se regroupaient autour de la malle, Aimelina alla à la niche dans le mur du donjon, où se trouvait un pot de terre, au couvercle de liège, où des olives de Saint-Dionisy baignaient dans l'huile.

Lentement, sûrement, elle revint vers Jehanne, quêtant l'occasion de le lui remettre discrètement...

Eirwen retroussa doucement ses lèvres en un sourire tandis que sa petite sœur chassait la larme baladeuse. Puis ce fut la réponse. Réponse qui fit froncer les sourcils de la blonde. Et tandis qu'on lui remettait le présent symbole de son nouveau rang, elle ne put s'empêcher de marmonner à l'attention de sa suzeraine.

Que je te vois sauter un repas ! Tu ne te souviens pas quand tu ne finissais pas ta soupe ? La cuisinière te disait que la Sarramauca allait venir la nuit même...

Toutefois, ce bref épisode de ronchonnement fut vite effacé lorsque la Dòna de Vergèsas -comme l'appelait Jehanne, découvrit son cadeau.

Hoooooo !! Mais ça a du coûter une fortune !!

Et malgré la tristesse qui s'était abattue sur eux, Eirwen se laissa aller à un nouvel instant de bonheur, soulevant le tissu et l'ajustant sur elle comme pour s'imaginer vêtue de la sorte. Malgré sa mise simple et son caractère un peu réservé, la blonde restait femme. Et quelle femme n'aurait pas été comblée par une robe si belle ?

Amusé par la scène qui se déroulait devant ses yeux, le Corbeau souriait. La robe bleue semblait faire plaisir à la jeune femme. Celle-ci a l’instar de trouver quelconque mot de remerciement, se contenta de laisser entendre que la robe avait du couter une fortune, qui sous-entendait bien évidemment qu’elle aimait la robe tout de même. Les descendances futures jugeraient cela en prétextant qu’il s’agit de l’esprit féminin dans sa plus magnifique complexité. Mais ceci sera débattu en temps et en heures pour les générations à venir, revenons a nos robes…mouton pardon.

Le Baron resta debout à observer la scène. Celle-ci le faisait donc sourire. Sourire car la jeune femme venait d’être anoblie, quoiqu’elle ne c’était vu donner quelconque oriflamme ou autre symbole, si ce n’est la robe. Le vieux loup ne connaissait pas trop le protocole dans l’anoblissement de la gente féminine. Sourire pour le fait de sembler voir sa « promise » rebelle sourire et être heureuse. Heureuse non pas par rapport a l’annonce d’un décès précédemment donné, car qui le serait. Heureuse pour avoir reçu la robe.

Ce qu’il venait de boire quelques instants plus tôt, semblait prendre effet. Le bout de ses doigts commençait à s’engourdir quelque peu. Étrange sensation lorsqu’on ne pouvait deviner que le Baron, un briscard invétéré, ne buvait que très, très, très, rarement. S’il buvait du vin, il le coupait généralement avec de l’eau. Lorsqu’il était a table avec des convives, son verre n’était changé que lorsqu’il le faisait tomber en blâmant sa chienne. En réalité, Pérignan n’aimait guère l’alcool.

Jehanne sourit, un sourire joyeux qui rompait avec l'ambiance funeste de la cérémonie. La joie d'une soeur, la joie d'une amie, quoi de plus cher ? Et le cadeau était plus symbolique encore que ce que pouvait penser Eirwen...

- « Non, Eirwen, ça n'a pas coûté si cher. En vérité c'est une ancienne robe de ta mère, on a juste fait changer les lacs et raviver les couleurs du tissu à la teinture d'herbe du Lauragais. Parce que le bleu, c'était tant la couleur de ta mère, Eirwen ! Et c'est la couleur de Vergèze. Et de l'eau...»

L'eau qui coule, les larmes qui sortent pour mieux faire sortir la peine, l'évacuer, l'eau qui lave de tous les péchés, l'eau purificatrice, l'eau destructrice, l'eau maternelle enveloppant l'enfant à naître d'une chape protectrice. L'eau de la vie malgré tout. L'eau pétillante de joie, l'eau de Vergèze, l'eau au fond des yeux d'Eirwen.

- « Peut-être la porteras-tu pour te marier, un jour...»

Mariage, sujet sensible dans la famille : Jehanne, éternelle fiancée ; Eirwen, pouliche rebelle, non sans raison ; Aimelina, infirme à demie bâtarde, cas classé, sans suites ; Magalona, de toutes la mieux dotée, et blafarde et volatile comme une farine tamisée.

[HRP]Pardon pour le retard Embarassed

[/HRP]

Jehanne, ou comment refiler la patate chaude : the thème sensible du moment. Mariage or not mariage, here is la question. Comment enchaîner ? Comment ne pas transformer la cérémonie d'octrois en une soirée pyjama ? Aimelina posa dans un coin le pot d'olives qu'elle comptait donner à Jehanne. Tant pis, plus tard.
Et puis elle regarde Germain : toi, là, comme ça, j'enchaîne sur le thème du mariage en te filant Montfort ? Non, trop flagrant.
Magalona ? Ou comment détourner l'attention d'une soeur pour mieux dire à l'autre la même chose : va falloir te trouver un gars !
Finubar ? Pire, pire, macarèl ! Puisqu'il était la cible d'Eirwen, ou plutôt... La cible que Cristol, leur bien aimé père, avait choisie à Eirwen. Pas tout à fait le rêve de toute jeune fille aux boucles blondes, d'épouser un vieux manchot.
Alors en fin de compte, cela vint tout seul :

-"Ah, le mariage ! Nous y passons tous un jour, n'est-ce pas !" Poncif facile, rien de plus faux, surtout pour les personnes présentes, mais qu'importe ? On a la transition facile ou ardue, c'est selon, et Aimelina n'était pas le plus grand rhéteur que le Languedoc eût compté.

-"Même quand on ne s'y attend pas... ! La première fois que Skip Lo Casalièr prêta allégeance pour Counozouls, c'était un homme de bel âge, qui avait déjà vécu, déjà eu une famille, et nul n'aurait pu présager qu'aujourd'hui, au moment de renouveler allégeance pour Counozouls, ils sont deux devant moi... L'amour d'Ariana pour Skip explique sans doute la vigueur de ce vassal, que mon père fit, et que je suis heureuse d'appeler à moi, aujourd'hui.

Skip, Ariana, êtes-vous bien tout à fait mes gens, et voulez-vous renouveler l'hommage de Counozouls ?"

Encore un peu perdu dans ses pensé, Skip eu un sursaut quand il entendit son nom. Une étrange crise de tournis lui pris la tête au même moment, ou plutôt lorsque son amante d'autrefois fut évoqué. Amante qui lui avait donné un premier fils, depuis lors laissé dans un monastère! Adelphe... Il devrait avoir l'âge de sa suzeraine justement... Peut-être même un peu plus vieux. En fait, s'il calcul bien... Mais le calcul risque de le déprimer, alors il ne le fera pas.

Et pour ce qui est de la vigueur, nous parlons ici de celle qui est apparente, n'est-ce pas? Parce que si nous considérons sont passé, le vieil apothicaire, jardinier, médecin, soldat, chevaucheur était en fait un vil assassin tuant le pauvre et l'orphelin la nuit, sauvant la veuve et l'opprimé le jour. Tout ça pour quoi? Pour une quête stupide de l'immortalité! S'il ouvrait la trappe des soubassements de chacune de ses demeures, nous y trouverions surement des restes de squelette que Tacitus n'aura pas correctement évacué ou dissimulé. Mais ceci aura quand même permis à l'homme de trouver les meilleurs remèdes, à fabriquer la thériaque la plus efficace, celle-là même qui sauva tant de vie en Languedoc, et nous en passons tant encore! Pour les plus attentif, certain aurons remarqué l'habitude du vieux à toujours prendre des feuilles à mâcher, puis, avec le temps, des goutes dans son thé...

Mais plus maintenant!

S'il semble plus en forme et plus vigoureux que jamais, c'est grâce à Ariana! Pour ça la petite Linètta a parfaitement raison! Sauf que "paraître" et "être" sont deux choses complètement différente.

Tout ceci découle du fait que son suzerain et ami est mort, que son ancien ennemie, aujourd'hui respecté adversaire, est à l'article de la mort, que son vieil ami, officier subalterne au bras mort, peine a courtiser la jeunesse et que lui, oui lui, l'un des pires Êtres que cette Terre ai porté, réussisse en tout, ou presque.

Il s'est débarrassé de ce monstre, Malombrina, mais depuis, d'étrange migraine lui vrille l'esprit. Des vertiges fabuleux lui font tourner la tête. Le tout est encore espacé et il lui est encore aisé de cacher ceci à ses amis et son épouse... mais combien de temps encore?

Quoi qu'il en soit, entre la surprise et toutes ses idées, il ne ce sera passer qu'une fraction de seconde car, comme à son habitude, il cache ses pensés profondes avec l'aisance de l'habitude. Ce qui l'aide, en cet instant, est la main de son épouse et la voix de la Linètta! L'avenir et le présent réunie pour raconter le passé de façon presque lyrique, du moins poétique. S'il veux être encore tout à fait son homme? Si cela pet l'aider à savourer le présent et le futur, alors oui!

La main de son épouse, de sa fleur, dans la sienne, il s'avance, doucement, la tête droite.

Aimelina, je vous fait aujourd'hui serment de vous être fidèle, de vous aider au mieux de mes capacités et de vous offrir mon conseil! J'ai aimé votre père comme un frère et je vous affirme vous aimer comme ma nièce. C'est peut-être bien peu, mais sachez que jamais je ne vous porterai préjudice et que si je devais vous protéger, ce serait avec joie que je porterais vos couleurs au devant de vos ennemies. Veuillez, je vous pris, accepter ce cadeau.

D'un geste leste, il mis la main à son côté et décrocha une fiole... De facture exactement identique à celle qu'il avait offert à Cristòl, voilà déjà de nombreuses années.

Je n'avais pas encore eu d'occasion de vous faire ce présent. L'élixir contenue dans cette fiole vous donnera du courage et de la sagesse. J'en fit cadeau autrefois à votre père, je vous en fait aujourd'hui également cadeau en gage de mon amitié et de mon amour.

D'une légère, très légère, pression des doigts et d'un quart de pas vers l'arrière, il laissa son épouse y aller aussi de ses quelques mots pour l'hommage. Il avait déjà suffisamment parlé. Bien que l'usage demandait que seul le détenteur du titre soit demandé pour le serment, hormis en cas d'absence de celui-ci, son épouse, la jeune Sìarr leur avait parlé à eux deux, donc il faudra que les deux prennent paroles. Il avait totale confiance en son épouse, sa fleur, pour parler sagement et avec émotion à la petite Linètta!

Les yeux toujours fixés sur son époux, elle eut la surprise d'entendre la Vescomtessa nommer celui-ci. Il allait donc être temps pour lui de renouveler son allégeance. Mais bien qu'elle entendit tout du discours de la jeune femme, son esprit buta sur quelques mots, mots simples et qui n'auraient pas du prêter à s'attarder mais pas pour elle. Ainsi, on faisait encore mention d'elle, de cette femme...Mestia...

Son visage se referma à la mention de sa précédente famille, et la peine, qu'elle ressentait à chaque fois que cela arrivait, s’immisça en elle. Ce quelle éprouvait réellement ? Grande question...ce n'était point de la jalousie, comment pourrait-on être jalouse d'une morte ? De même, elle aurait accueilli le fils premier né de son époux avec joie et bonté si celui-ci en avait exprimé le désir. Alors quoi ?...Un sentiment étrange, celui de n'être qu'un pis aller, une intruse qui avait pris la place d'une femme suffisamment aimée pour qu'il ait songé à l'épouser quelques temps avant qu'elle ne disparaisse. La triste impression d'être celle qui occupait une place qui n'aurait jamais du lui revenir. C'est cette femme qui aurait du être là, qui aurait du donner à Skip ses autres enfants, qui aurait du vivre près de lui jusqu'à leur dernier souffle.
Elle aurait sombré dans le mutisme si elle n'avait senti qu'il lui serrait doucement les doigts et qu'il s'effaçait afin de lui laisser place. Elle ne s'attendait nullement à devoir parler et encore moins prêter un quelconque serment. Un léger flottement intervint donc avant qu'elle ne reprenne ses esprits.

C'est avec grande joie et avec gratitude, Vescomtessa que je réponds à votre demande par l'affirmative. Je vous promets donc fidélité, conseils et soutien dans les bons mais aussi les mauvais jours. Je suis encore bien jeune, Mi Dons, mais j'espère que je saurai être pour vous une vassale dont vous n'aurez jamais honte et à qui vous accepterez d'accorder votre fiance quelque soit le sujet de vos inquiétudes ou interrogations.

Elle ne savait si elle avait réussi à exprimer l'estime sincère qu'elle éprouvait pour la jeune femme, mais elle ne pouvait retarder plus le déroulement d'une cérémonie déjà bien bousculée.
Elle recula donc et reprit place près de son époux, n'arrivant toute fois pas à éliminer la tristesse qui s'était insinuée en elle.

Trop de larmes, trop de femmes, trop de trop. Il étouffait déjà avant de venir, cette tièdeur douceâtre du Sud est bien loin de la fraîcheur revigorante de sa Normandie. Mais rendez-lui la Normandie, il suffoque, il en a marre. Trop de gonzesses qui chouinent ou s'égayent d'un rien. Charmante scène familiale que celle-ci où ils se serrent tous les uns contre les autres, pourrait-il leur expliquer que chez les Gisors, quand on se serre les coudes, c'est parce qu'on va prendre une trempe à cause de la dernière bêtise faite tous ensemble.

Il comprend le besoin d'être ensemble, d'être collé, il ne l'affectionne pas plus que cela, les étreintes sont réservées à sa soeur, sa chaste et malicieuse soeur, les autres n'ont droit qu'à des pichenettes et autres marques d'affection pour le moins .. fraternelles. Mais déjà la conversation change, et un mot est prononcé qui le fait s'étouffer avec la gorgée qu'il escomptait boire.

Mariage ? WTH ?! Mais y sont malades dans c'bled ? Des bisous, des larmes, et maintenant des mariages ? Discrètement la sortie est avisée du coin de l'oeil, discrètement.. Peut être qu'en s'y prenant bien, y a moyen de moyenner. Mais ce serait sans compter la déception et la honte de la Galinèta.

Trop de femmes, vous dis-je !

Ce couple, le plus étrange et le plus beau, celui d'un amour qui ne connaît ni âge ni beauté, ni vaillance de corps, l'amour des âmes et des coeurs seuls, étreignit le coeur d'Aimelina.
Pour tous, droit d'aimer !
Son regard glissa vers Germain. L'aimait-elle ? L'aimait-elle d'un amour aussi pur et entier que celui qui liait Ariana et Skip ? Elle n'aurait jamais osé l'affirmer, sans craindre de profaner l'image des Casalièrs. Non, Germain, c'était autre chose. Une dépendance, une honte, une gourmandise. Pas de l'amour, pas de la possession, pas de la jalousie.
De l'enfance, du jeu.

Alors qu'Ariana et Skip... C'était le couple idéal, c'était l'amour de Tristan et Iseult sans avoir besoin de philtre. Aimelina était heureuse pour eux, tellement heureuse ! Elle n'osait imaginer quelle douleur serait celle d'Ariana, lorsque l'âge rappellerait Skip au Très Haut.

-« Sénher, vous avez été le premier Sénher de Counozouls, et j'espère qu'un jour, le petit Olivièr Cristòl me prêtera le même serment que vous. Le rouge de cet élixir, je l'ai déjà vu en les mains de mon paire, et je comprends pourquoi il a fait de vous l'apothicaire de Saint-Félix et son bien-aimé vassal. Sans réserves, à tous deux, je promets protection, justice et subsistance. Les terres de Counozouls ne sont pas les plus riches, mais vous avez su les adopter et les dompter. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je serai toujours là. »

S'engager, prendre ce genre de responsabilités que l'honneur commande de ne pas décevoir... Aimelina entrait dans le monde des adultes, éternelle puérile inconséquentes, et l'on ne pouvait qu'espérer qu'elle saurait tenir la barre.

-« Ariana, vous avez la bonté d'une mère comme celle d'une sòrre. Vous me serez l'une ou l'autre, parmi toutes celles que j'ai, égale, comme mon sang, comme mon coeur, que je vous ouvrirai sans ambages pour que vous pussiez mieux me conseiller. Ces promesses faites au Sénher de Counozouls, à vous aussi, Dòna Del Casalièr, je les adresse. »

Elle s'approcha alors du coffret au pied de l'estrade et s'y pencha pour l'ouvrir et y prendre, de sa main droite, une toute petite licorne de bois, grande comme la paume de sa main.

-« Puisqu'il faut symboliser cet échange, acceptez ce jouet en bois d'un arbre de Counozouls, car j'aurais bien été embarrassée de vous offrir un crampon d'or... » Déjà, ça manque d'élégance, et puis, pour une endettée, c'est un prix trop élevé à payer !

Elle remit à Ariana, à la mère du prochain Sénher, le jouet de bois, et embrassa les mains de l'un et l'autre pour sceller le serment.

Ce furent les douces paroles de sa Suzeraine qui ramenèrent la chaleur dans son cœur. Partie la morsure de la tristesse d'une réminiscence passée, oubliée pour un temps cette sensation étrange de n'être rien...

Elle ne put s'empêcher de sourire à la jeune Vescomtessa, jeune oui, mais qui sait déjà si bien parlé avec son cœur, qui lui donne sans le savoir la reconnaissance que son propre Suzerain ne lui a jamais réellement donnée...Pourtant elle l'a aimé, et conseillé au mieux, mais après tout, peut-être a-t-elle échoué avec lui, peut-être n'avait-elle pas les capacités à être sa préceptrice, à le former conformément à son rang...Las, il est bien trop tard, elle ne peut plus rien, plus rien...

Elle voit la jeune femme, s'approcher d'un coffret et revenir près d'eux afin de lui remettre...un jouet en bois confectionné en cette terre montagneuse qu'ils aiment tant, tous deux, Counozouls...Leur havre de paix...Mais lorsqu'elle voit ce que représente le dit jouet, son sourire jusque là timide, irradie...une licorne ! La même que celle qu'elle arbore sur son blason...

Elle prend l'objet qu'on lui remet, et retient doucement la main de la jeune Vescomtessa après qu'elle leur eut donné le baiser d'acceptation du serment.

Mi dons...grand mercè...Pour vos mots d'une si grande bonté, mais aussi pour ce symbole qui pour moi à double sens. Tout d'abord l'estime que vous nous portez à tous deux, mais bien plus l’intérêt que vous avez pour notre fils, ce jeune Cristòl qui porte le nom de votre père bien aimé. Bien sûr il ne le remplacera jamais dans votre cœur, mais si vous souhaitiez, un jour, le visiter ou lui conter quelques histoires concernant celui que nous avons voulu honorer en le nommant ainsi, vous serez toujours la bienvenue...toujours...

Elle regarde Skip un instant, et reprend parole sans s'être concerté avec lui, elle sait qu'il approuvera...

Sachez que nous serions heureux que notre fils ait une infime partie de la droiture, la loyauté et l'honneur dont votre père était détenteur...

Alors, t'es déjà passé ? Boujou d'au fait !

Phrasé et accent inimitables que celui du normand issu de sa campagne. Et ce n'est pas parce qu'ils sont en "haute société" qu'elle va commencer à parler autrement à son frere. D'autant qu'ils ont été élevés ensemble ces deux là. Pratiquement le meme age, pratiquement les seuls figures "paternelle" et "maternelle" de la tribu... j'vous dis pas l'exemple que ca donne aux autres, suffit de voir Arutha pour comprendre vu que Gabriel préfère jouer de l'épée plutot que revenir veiller sur une famille dont il n'est de toutes manières le chef que par la légitimité...
Bref, elle s'était donc glissée tant bien que mal au coté de son frere, jetant un oeil ou l'autre à gauche et à droite histoire de vérifier qu'il n'y a pas trop de monde ici qui la connaisse et risque de lui faire remarque de son retard. Hormis le frerot, mais bon, il l'aimmmmmmmmmmeuuuuuuh, donc il ne lui en fera pas grief n'est ce pas ?
Bon, y a bien Aimelina, et .... mince, la Cheffe. Celle avec un grand "C"... ou un grand "M" ou un grand "R", c'est pareil, c'est la cheffe. Va falloir garder une certaine contenance. Mais elle n'es tpas là pour le boulot non ?
Un petit signe de tete quand meme vers Aimelina qui l'a gentiment invitée meme si surchargée, elle avait manqué oublier et au final entre les montures récalcitrantes, le mauvais temps et bien d'autres péripéties contribuant à un retard qui n'avait plus rien d'anodin, elle est arrivée.
Un autre pour saluer la justement "cheffe", bah oui, faut etre poli.
Et de tendre l'oreille au frerot.

Aru ? Il n'est pas là ?

La bouche en coeur, la fleur à l'oreille pour un peu, et cet accent inimitable, cette simplicité imparable, cette douceur et cette candeur, cette blonde-là, c'est la sienne, c'est sa merveille, sa soeur, sa jumelle de coeur, son autre, sa moitié. Et parce qu'elle est tout ça..

T'aurais du êt' là plus tôt bécasse. Non, chui pas passé.

J'ai failli mourir quinze fois tellement, c'était plein de trucs mièvres, tendres et tout. Et toi, t'étais où hein ? T'étais où que t'étais pas avec moi odieuse créature ! Mais il ne le dira pas, le bras est passé nonchalamment autour des épaules de sa soeur, parce que de les avoir vus soudés tous, il se rappelle qu'il lui suffit d'avoir Perrinne à ses côtés pour se souvenir Gisors. Sa soeur, c'est la Normandie à elle toute seule. Les embruns, les terres, l'air, c'est un élément sauvage que seul un homme, un vrai peut canaliser. Et discrètement, l'homme s'amuse de la sauvage en entortillant des mèches dorées autour de son doigt. Il aurait pu les tirer, c'est amusant de tirer les cheveux de sa soeur. Ils ont passé l'âge. Il paraît.

Bah non, sinon, tu peux être sûre qu'il y aurait plus de bruits, plus de trucs sucrés aussi, plus de chouinasseries.

Oh n'allez pas croire qu'il n'aime pas son frangin. Il l'aime le loustic. C'est juste qu'Arutha est un enfant quand ils grandissent, et à ce titre, Germain ne saurait le traiter autrement qu'en enfant.

-« Je viendrai le visiter alors, et lui apporterai quelques-uns des livres que j'aime à lire et lire encore. Tous les chevaliers y sont droits, incarnations vivantes du paratge. »

Aimelina sourit, et alors qu'elle allait appeler Finubar, puisqu'elle commençait par les renouvellements d'octroi, arriva la blonde Normandie, l'ancien Roy d'Armes, l'insouciante et jolie sœur de Germain. La sœur de son bientôt bien-aimé vassal, de son déjà bien-aimé. Elle ne l'avait jamais rencontré hors de circonstances convenues, comme la salle des poursuivants héraldiques... Elle sourit.

-« Adissiatz, Normandie, c'est ainsi que l'on dit ici. Nous vous souhaitons tous la benvenguda ! »

Paie ton entrée incognito !
Et de se tourner vers Puèchgaug :

-« Pardon pour cet encart, je vais reprendre avec la confirmation de la terre de Trilla. »

Ne surtout pas perdre le fil... Aimelina chercha le manchot des yeux. Ah, qu'ils sont beaux, ses vassaux ! Un vieux croulant, certes fort savant, et un manchot, certes d'une ambition pardonnant tout. Et une belle fleur, cette hellène Anthéa.
Prêt, tonton Finu ?

-« Le Sénher de Counozouls vient de réaffirmer son amour pour les Sìarr. Il me considère comme une nièce, et je suis heureuse de le considérer comme un oncle. Je veux, de même, considérer ainsi Finubar Anar, comme un oncle bienveillant, comme un oncle protecteur, comme, parfois, mon défenseur.

Il a porté mes couleurs au cours de joutes, et je les lui offrirais volontiers encore, car les apparences sont trompeuses, le concernant. Il a dans son bras la force de deux !

Finubar Anar, dites-moi : sentez-vous pour moi la même chose ? Renouvellerez-vous ce serment qui vous lie aux Fenouillèdes ? »

Son nom, on venait de l'appeler. Sa Suzeraine l'appelait à elle. Pas pour défendre son honneur, pas pour défendre son nom, mais bien pour lui renouveler son lien vasalique. Lien qu'il avait scellé à son Suzerain précédent. Son bon Suzerain. Son doux Suzerain. Qu'en était-il advenu? Etait-il tombé avec sa fierté intacte au champ d'honneur? Le manchot s'en voulait terriblement d'avoir été démobilisé du front pour une blessure qui n'était après tout que superficielle. Malheureusement son handicap le rendait surtout une épine dans le pied de ses camarades d'arme de la Garde Royale. Pourtant, l'Anar était un vrai loup sur un champ de bataille, tout comme dans une lice. Il avait en horreur de cèder ne serait-ce qu'un pouce de terrain devant l'adversité. Pourtant sa fierté lui avait couté cher, de sa famille jusqu'à son honneur suite à des accusations falacieuses à son sujet. Ce vieux loup meurtri par la guerre restait un danger même reclu dans un coin.

Sa nouvelle Suzeraine semblait bien l'avoir comprit. A l'aube de son trente-cinquième printemps, le Baron de Pérignan et Seigneur de Trilla restait un homme doué dans le métier des armes.

C'est avec un sourire attendrissant qu'il écouta la petite lineta. Il porta la paume de sa main vers son torse, là où son coeur battait fort.

- Ce serait un honneur pour moi de continuer à porter vos couleurs pour les joutes à venir! Tant que le Très-Puissant jugera que ma présence en ce monde sera nécessaire, je resterai fidèle aux Siàrr, mon épée portègeant son honneur, ses terres et ses valeurs.

Ses paroles prononcées, il reprit, ses yeux plongeant dans ceux de la petite fleur.

- Je désire renouveler le liens vassalique que j'ai fais des années auparavant à Cristol.

Il porta un genou à terre.

- Moi, Finubar Anar, fais en ce jour renouvelement de mon alégeance envers la famille Siàrr, faisant serment de fidèlité, d'apporter conseil et de répondre présent à l'appel de ma Suzeraine lorsqu'elle aura besoin d'assistance.

Son accent florentin resortant sur certaine prononciation devait sans nul doute faire sourire certaine personne dans l'assistance qui pouvait le connaître depuis des années. Son accent, il ne l'avait jamais perdu, pourtant une chose étrange était qu'il fut né en Languedoc. L'origine de cet accent devait sans nul doute provenir de sa mère.

- Je serai heureux de pouvoir vous considérer comme ma nièce et n'hésiterai pas à vous traiter en tant que tel.

Sous sa cape se dessinait une forme carré. Il releva légèrement sa cape pour en sortir le contenu.

- Cet ouvrage était celui de Cristol. Je l'ai découvert il y à peu dans la chambre de feu mon fils. Ne connaissant pas la raison de la possession de cet ouvrage, je ne peux que concevoir qu'il l'ai emprunté pour se cultiver. Ce n'est qu'un piètre don que je vous fais là, ma nièce, mais nul doute qu'il vous apportera plus de réconfort.

Si l'on se trouvait à Saint-Paul de Fenouillet, et si les murs avaient pu parler, ils se seraient sans doute fait écho de l'histoire de ce livre et de ses pérégrinations.
Mais ils étaient à Saint-Félix et les pierres ne causent pas. Même, la première réaction de la Linèta fut que les circonstances étaient bien tristes, à parler à nouveau d'un défunt. L'annonce de la mort de Cristòl avait posé l'ambiance, en somme !
Sa seconde réaction fut que, bigre ! Elle se retrouvait encore à recevoir un présent, alors qu'il était plutôt d'usage qu'elle en remît un.

-« Mon cher oncle, alors... Gardez ce livre, je vous l'offre. Il n'a pas manqué à notre bibliothèque pendant toutes ces années, il n'y manquera pas davantage, et pour les temps à venir il racontera l'histoire de ce lien entre les Anar et les Sìarr, entre le passé et le présent. Gardez-le et pensez, à chaque fois que vous en caresserez la tranche, à mon père, à votre fils, qui de là haut nous regardent désormais. »

Aimelina prit alors les mains de son vassal pour répondre :

-« Et sous leurs regards, je vous promets protection, justice et subsistance. N'hésitez pas à solliciter ces devoirs de ma part sitôt que le besoin s'en fait sentir. »

Alors, elle recula, et s'en alla à nouveau vers la malle, d'où elle tira, cette fois, une petite fiole, la plus jolie du monde, tout en verre blanc à bulles vertes, pièce fort rare en ces temps où le verre était le monopole des ouvriers de Murano.

-« Acceptez, Finubar, cette fiole que vous pourrez remplir de votre incroyable eau de vie, pour la servir avec grâce à vos invités. J'espère de tout coeur que cela vous plaira. »

C'était en tout cas une belle traduction de la superficialité de la Sìarrette : tout dans l'apparence, un peu dans le coeur, et pas grand chose dans la tête.

Remettre le mal aise d'un décès en en parlant n'était pas réellement la volonté du Florentin. Plutôt mal-habile par moment sur certaines intonations voir gestes, il avait tendance à faire prendre ombrages à certaines personnes, rien que par sa présence, c'est dire comme il était doué dans cet art. Cette fois-ci pour ne pas déroger à la règle, il parla entre guillemets d'un mort. Le fait de recevoir de retour le livre de sa Suzeraine le surprit quelque peu. Ce livre ne lui était donc d'aucune utilité? Ayant découvert une certaine "passion" pour la lecture, Pérignan fut des plus heureux de pouvoir le considérer sien. Il allait rejoindre le haut de son étagère remplie d'air, car ne l'oublions pas, la possession d'un livre était rare et fort onéreuse.

Il reçu cependant une bouteille en retour afin d'y ranger la précieuse eau de vie de Pérignan. La fabrique était de bien belle facture, même pour un oeil aussi dénuée d'intérêt pour l'art de l'orfèvrerie et peinture, verrerie y compris. Le fait de voir quelques bulles vertes lui donnait l'imPrEssion de voiR RIEn d'autRe qu'une amélioration de son eau de vie à la poire.

- Je vous remercie de ce présent. J'en ferai bon usage par l'avenir.

Il n'y avait d'après lui que peu à rajouter, le vieux bourru regarda autour de lui, aucune tête blonde dans les environs.

*Où est-elle donc passée?* pensa t-il.

Aimelina sourit, et plus encore lorsqu'elle vit le corbeau Anar chercher la lumière d'une blondeur. Elle-même cherchait la coruscance d'une autre blondeur, quoiqu'avec l'arrivée de Perrinne, il y eût beaucoup d'or sur les têtes des présents.
Lorsque Finubar se fut retiré, elle n'hésita pas un instant avant de décider quel octroi, de Montfort ou de Marmorières, elle allait officier en premier. Elle avait besoin de réconfort, de toute l'émotion endeuillée qui agitait la salle, et elle avait besoin de passion, de sentiment, de chair.

-« Germain de Gisors... Approche, rossinhòl ! Vous tous ici, vous ne connaissez pas encore Germain. Il n'est pas Lengadocian, mais va le devenir aujourd'hui, par l'affection que je lui porte. Sa famille, c'est bien plus au nord qu'elle brilla, là où la blondeur est la règle, ou peu s'en faut. Mais n'est-ce pas sous le soleil du sud que cet or brille du plus bel éclat ?

Alors... C'est vraiment de tout coeur que je souhaite élever Germain de Gisors, illustre fils de feu Vinkolat de Gisors, Chevalier et Pair de France, Vicomte de Gisors, Seigneur d'Orsay, et de la Nachue Kirah du Breuil, Chevalier et Pair de France, Duchesse d'Estouville, Baronne de Falaise, Dame de Bougival et Dame de Vancé. »

Il lui avait fallu bien du temps, à la tête de Linète, pour retenir tout ce fatras de titres, ô combien indispensable, dans son esprit. Car elle aime le clinquant, elle aime que ça résonne, que ça en jette, et qu'importe qu'il ne fût que bâtard, ça, elle ne le dit pas, tout comme jamais elle ne met en avant qu'elle-même le fut.

-« Veux-tu me prêter hommage pour Montfort, Rossinhòl ? »

La vérité est toute autre, l'or n'est pas dans sa chevelure à lui, l'or est sur les courbes d'Aimelina quand les rayons du soleil se jouent des creux et des pleins. L'or prend plusieurs couleurs, il se pare de reflets verts quand il s'amuse, paillettes au creux de son regard, il se fait noir quand il glisse dans les mèches sombres de sa maîtresse. L'or est partout. L'or, c'est elle qui l'a, qui le détient, en elle, sur elle et par elle.

Le fracas des titres, des honneurs, des mérites n'est rien. Ne lui a jamais rien été. Eux aussi étaient tout autres. Il était fort, il était grand, il avait un nez.. Ce nez que Perrinne et lui partagent. Il avait les cheveux blonds et le teint pâle. Il était le père de ses enfants. Et elle, elle les a aimés et élevés de son mieux du moins, à ses dépens parfois. Elle était flamboyante quand il était étincelant. Au même titre que la petite Siarr, ils se noient dans des noms trop grands pour eux, pour leurs épaules de gamins prétentieux, et combien, il aimerait les rendre fiers. Rêve si puéril pour l'aîné de la fratrie, alors la gorge est raclée et il s'avance de toute sa hauteur, la dominant d'un regard et d'un sourire.. Carnassier.

Je voudrais te rendre hommage mais puisqu'il ne s'agit que de prêter hommage, je m'y plierai avec plaisir Galinèta.

C'est le matin, et sur la branche d'un cerisier en fleurs, chantent deux oiseaux d'espèces différentes. Ils ne se font pas la cour, ils se racontent la vie, ils aiment la vie comme tous les oiseaux, ils chantent la vie. Les mains dorées sont recouvertes, cachées dans les grandes mains pâles tandis qu'il la dévisage en silence, tandis qu'il pense à tout autre chose et que le regard se pare d'un voile lascif.

Depuis ce jour à Paris où je t'ai rencontré, je me suis promis de ne jamais plus te laisser seule sans personne à tes côtés pour te préserver ou te conseiller. Aujourd'hui, c'est à toi que je fais cette promesse, à compter d'aujourd'hui, il ne se passera pas un jour, sans que tu ne puisses compter sur ma fidélité, mon soutien et mes conseils. Ce jour, Aimelina de Siarr, tu disposes de mon corps et de mon âme pour te servir.

Le soleil s'est levé, et avec lui, cette promesse que la différence n'empêchera jamais deux oiseaux de chanter de concert pour célébrer la douceur de la vie.

Galinèta et Rossinhòl chantent de concert, et le chant du Rossinhòl est plus gracieux que les gloussements de la Galinèta. Et pourtant, elle glousse ! Elle glousse, parce que le chant du Rossinhòl, tous autour comprendraient bien vite leur nature. Il ne s'en cache même pas, et tous les présents, pour peu qu'ils ne fussent pas trop ingénus ou n'eussent pas une trop grande idée de la vertu de la Linèta, devineraient aisément la nature de leur relation.

Et ça la fait glousser, la Linèta. Superficielle et inconséquente. Les mots qu'il dit, elle en frissonne, non intimement et profondément, elle en frissonne avec futilité, juste parce que ce sont les mots que l'on aime entendre, juste parce qu'elle est une jeune fille en fleur. L'amour ? Non. La séduction. Que lui fût amoureux - et rien ne le prouvait - n'avait pas vraiment d'importance, tant qu'il lui faisait croire qu'il l'était.

-« Germain de Gisors, de ce jour, je me suis promis ne jamais te laisser, et toujours honorer ta personne. C'est pourquoi je veux te lier à moi et louer ton ascendance, en te prenant comme mon vassal et féal ami. En retour de ton serment, je te promets donc protection, justice et subsistance... »

Et pour sceller le serment... Le bisou vassalique. L'avait-elle fait à tous les précédents ? Broaf. Les règles, on ne les suit guère que quand ça nous arrange. Sa main toujours dans celles du blond Normand, évitant de regarder trop en direction de son bel et blond de frère Guilhem, qui avait tout son amour - amour sincère et sororal - , elle embrassa à pleine bouche le Gisors. Miam !

Puis elle recula, et de la main, elle préleva trois longs cheveux et les remit au Gisors. Fin'amor, quand tu nous tiens !

-« Voici, pour symboliser cet échange... »