[RP] Les octrois lapino-linètesques

A quelques jours du Grand jour, Aimelina avait fait aménager l'aula magna du Donjon de Saint-Félix, point des plus vastes, mais avec l'hiver et le nombre d'invités, on n'y serait que plus chaleureusement réunis, en vue des octrois auxquels il serait procédé le 3 février. Elle avait fait coudre des oriflammes aux couleurs des seigneurs...

Elle s'attacha ensuite à faire porter à toutes les personnes susceptibles d'être intéressées l'invitation suivante ; Jehanne Elissa en aura fait de même avec ses propres vassaux à venir... mais se doutait-elle que l'Euphor était, à ce jour, introuvable en Languedoc ?

Spoiler:

Jehanne Elissa avait bien consciencieusement écrit à ses deux vassaux - le présent, l'a venir - pour les prévenir de la cérémonie. Elle avait transmis également à Montjoie un exemplaire du faire-part, comme ça, pour le lui montrer - en vérité, elles arrivaient toutes deux par le même convoi, de Bourgogne. Jehanne Elissa bénéficiait de la garde d'Auxerre, ce qui n'était pas du luxe, en ce temps de guerre !

Elle fit partir par un coursier rapide un message à la co-organisatrice des réjouissances :

Citation :: De Jehanne Elissa de Volpilhat à Aimelina de Sìarr ;

Chère Linèta, j'espère que l'organisation de notre cérémonie ne te donne pas trop de mal ! Je m'arrêterai à Cauvisson, qui est sur la route pour venir jusqu'à Saint-Félix, et j'y prendrai de l'eau de Vergèze, celle qui pétille, et un tonneau de L'Anglade, si mon escorte peut se le permettre. Ils sont extraordinaires, ces gardes d'Auxerre, mais j'ai peur de les importuner ! Si d'ailleurs tu pouvais faire venir des olives à Saint-Félix, ce serait adorable. Je compte les offrir à Actarius, mais n'ai pas eu le temps d'en chercher, et de toute façon, celles qu'on trouve en Bourgogne sont hors de prix.

Dis-moi que Chauconin sera là ! J'ai besoin de rire, en ce moment. Crois-tu que je peux aussi inviter Eilinn ? Je m'en veux, j'invite les gens chez toi !

A tout bientôt,

Jehanne Elissa

[Nevers - Bourgogne]

J'étais fâchée en découvrant la teneur du message que je venais de recevoir. Fâchée de voir que ma sœur adorée souhaitait me bailler fief alors que j'étais déjà fort bien pourvue. Mais je ne suis pas de celles que la colère rend impétueuse, alors je me calmais vite pour ne plus voir en ce geste que ce qu'il était : une déclaration d'amour fraternel. Car il ne saurait être question d'autre chose.

Je n'avais pas besoin de faire mes malles puisqu'elles étaient déjà prêtes : je revenais tout juste de Paris où j'avais fait quelques emplettes et où je m'étais mise en conformité avec la hérauderie. Je ne savais pas que je suivrais, à peu de choses près, le même trajet que le roi d'armes et Jehanne Elissa, sans quoi j'aurais fait demande de voyager ensemble. Je ne le découvrirai qu'en arrivant la veille de l'octroi (car il était impensable d'arriver d'un si long voyage le jour-même). J'avais de toute façon pris la peine de faire parvenir une missive à Linèta afin de la prévenir de mon arrivée. Et je me fis fort de la tenir au courant tout du long du trajet (Nevers-Saint Félix, ça ne se fait pas en une journée, surtout dans ma condition).

[Saint Félix de Vinassan - Languedoc]

Le voyage avait été agréable. Étrangement, j'avais plaisir à retrouver ma terre natale. Peut-être que l'optique de n'être entourée que de personnes de bonne compagnie me rassurait ? Je mourrais d'impatience de faire découvrir à Linèta ce que j'avais trouvé, pour elle, à Paris. Aussi, quand le coche franchit les frontières des terres de ma sœur, je ne tenais plus et passais mon temps, malgré les risques, à passer mon visage par la fenêtre du coche afin d'aviser de notre avancée. Et quand j'arrivais enfin...

[2 janvier, veille du jour J]

-« Lona ! »

Lina n'était pas vêtu de la plus belle des manières, car au coeur de ses préparatifs, elle n'avait guère la préoccupation de son apparence (alors que c'était, d'ordinaire, le centre de ses soucis). Du haut du Donjon de Saint-Félix, on pouvait voir à une lieue sur la route qui traversait le massif calcaire de la Clape ; elle avait été avisée par ses servants de l'arrivée d'une voiture, et sa joie de voir sa soeur était profonde. Elle se précipita hors du Donjon, n'ayant pas même pris de cape pour se prémunir du froid - du reste l'escalier lui avait fait goûter à un préambule de fraîcheur...

-« Je suis si contente de te revoir ! Et Joana va venir, et Guillaume, et Eirwen ! Toute la famille, ho... Oui, toute la familha... »

Bête qu'elle était d'avoir dit cela ! Elle baissa un instant les yeux, et puis conclut :

-« Parce que Paire est mort, et point ne reviendra. »

Elle ne l'avait encore dit à personne ; elle avait gardé cela au coin de son coeur pendant les quelques jours où l'espoir d'un retour avait été permis. Désormais, il faudrait le dire, le clamer, et porter un deuil bien visible... Mais a-t-on le coeur d'apprendre à ceux qu'on aime les tristes nouvelles ? Et de personnes qui avaient connu et aimé Cristòl de Sìarr, il en viendrait le lendemain un certain nombre...

[Sur les chemins, dans une auberge : J-1]

Quelque part sur la route, pas trop loin ni trop près, entendons selon les critères de la blonde un lieu se trouvant à distance raisonnable du domaine sans pour autant rendre impossible son arrivée à une heure décente le lendemain, dans une petite auberge, notre pauvre Eirwen s'était arrêtée pour la nuit. Pourquoi pauvre ? N'allait-elle pas recevoir d'une personne chère à son cœur les terres qu'avait tant aimées sa défunte mère ? N'allait-elle pas entrer de droit dans cette caste privilégiée qu'était la noblesse ? N'allait-elle pas pouvoir prendre en épousailles un beau baron -un peu vieux certes mais de bonne renommée, qui ne cherchait qu'à faire d'elle la plus heureuse des femmes ?

…

Non, franchement elle ne voulait pas de tout cela. Mais comment expliquer à ceux qui ne pensaient qu'à son bien qu'elle aimait sa petite vie tranquille ? Se lever aux aurores et descendre dans sa petite boutique, renvoyer chez eux Florença et Bertomieu -le couple de boulangers qu'elle avait engagés. Pourquoi un couple ? Car avoir des époux entre deux-ages ferait moins jaser qu'un beau et jeune mitron. Imaginez les mauvaises langues si elle avait fait un tel choix ! « Vous savez que mèstra Eirwen a engagé le petit Enric pour aller pétrir des miches ? Oui, le fils du forgeron ! Un beau brin de garçon, musclé et avec de bonnes dents ! » ; Blonde, certes elle l'était, mais tout de même, elle ne l'était pas à ce point. Où en étions-nous déjà ? Ha oui, elle renvoyait les époux Delcasse chez eux, puis sortait les pains et les pâtisseries du four, emballait quelques belles pièces dans des linges frais et mettait le reste dans des paniers avant d'ouvrir son commerce. Elle était presque toujours la première à commencer à vendre et les petites gens aimaient avoir du bon pain du jour à petit prix avant d'aller travailler aux champs ou dans les échoppes. Ensuite, vers le milieu de la matinée, elle confiait la boutique à Peireta, une jeune fille qu'elle avait prise en apprentissage, puis se rendait à la mairie pour aider les scribes. Là, elle vérifiait un à un les registres des portes, établissait les documents de signalisation des voyageurs, faisait porter quelque plis puis envoyait ses rapports par messager aux autorités. Et après ça ? Et bien la mi-journée était arrivée, alors elle rentrait chez elle, mangeait un morceau sur le pouce, vérifiait l'état de ses stocks de marchandises, allait au besoin passer commande auprès de ses fournisseurs, mais ce qu'elle aimait le plus, c'était profiter simplement de son temps libre jusqu'au soir. Faire une promenade, ramasser des plantes pour les étudier, lire les rares ouvrages qu'elle avait pu s'acheter ou emprunter à l'université, parfois même elle allait jusqu'à lire des histoires qui parlaient d'amour et de chevalerie, mais ça elle ne l'aurait avoué à personne. Juste à son journal qu'en bonne blonde, elle tenait à l'abri des indiscrets, bien caché sous son oreiller...

Et on lui demandait de renoncer à tout ça ? Bien sur, elle pourrait se promener librement sur les terres de sa mère, mais ne pourrait-on pas lui en donner simplement l'autorisation ? Bien sur, elle deviendrait noble, mais si ce titre de Dame lui faisait perdre ses amis et les remplaçait par des intriguant qui viendraient s'essayer à grappiller des miettes de pouvoir auprès d'elle ? Bien sur, elle allait pouvoir épouser un grand guerrier, noble de cœur et de titre, mais il était vieux, manchot et ses hauts faits devaient remonter à bien avant sa naissance à elle. Quant aux victoires du vieux Baron aux dernières joutes, sans doute les devait-il à la chance ou à la pitié de ses adversaires...

Enfin bref, c'était là un bref résumé des pensés qui l'assaillaient depuis de longues heures. Qui faisaient marcher sa tête, qui faisaient marcher ses jambes. Pourquoi ses jambes avaient-elle une importance dans cette histoire ? Et bien rappelez-vous... Eirwen se trouvait dans une petite auberge. Une VRAIMENT petite auberge. Du genre, une salle commune pour ceux qui n'avaient pas beaucoup d'argent, une chambre pour l'aubergiste et sa femme qui faisait office de cuisine et permettait d'accéder à la cave, un grenier où pendaient saucisses et jambons, et dans un coin du grenier, accessible par un escalier douteux, juste au dessus de la chambre des propriétaires, une petite pièce aménagée qui n'avait de chambre que le nom et le lit...Et c'était là que la blonde était supposée dormir. Sauf qu'elle tournait en rond, ou essayait de respecter cette figure, puisque le lit occupait une bonne partie de l'espace. Et en dessous, l'aubergiste et sa femme étaient eux aussi supposés dormir. Sauf que comme la blonde tournait en patatoïde et que le plancher résonnait, ils ne dormaient pas.

Ce fut peu après que les mâtines eurent été sonnées par les moines d'un proche monastère que la blonde entendit frapper à la trappe. Car il n'y avait pas de porte, mais bien un panneau de chêne pour accéder à la pièce. Ayant demandé au travers du vantail qui venait la déranger à une telle heure de la nuit et après avoir reconnue la voix de l'aubergiste bredouillant des excuses, Eirwen souleva le vantail pour savoir ce qui se passait. La maison était peut-être en feu ? Ou bien une attaque de brigands ? Toutefois, même si l'une de ces deux possibilités eut été la bonne, notre héroïne n'ouvrit pas sans avoir jetée sa cape sur ses épaules pour ne pas paraître en simple chemise et braies. Pudique ? Non ! Simplement, elle ne faisait pas parti de ces femmes qu'elle qualifiait de montreuses de cuisses et qui osaient paraître en public en dénudant leurs chevilles... Quoiqu'il en soit, et indiscutablement, le visiteur nocturne ne partageait pas ce sens des conventions. Un homme bedonnant, grisonnant, en chemise lui arrivant à mi cuisses, au bonnet de nuit pendant sur son épaule, portant des sabots couverts de neige et un pichet à la main, tel était le tableau qui s'offrait au regard d'Eirwen. La blonde ne comprenait rien de rien, du moins jusqu'à ce que l'aubergiste ouvre la bouche. Avec force révérences et courbettes, renversant le lait dans la cruche à chaque mouvement ou presque, le pauvre homme se mit à s'expliquer...

« Bonser ou bonjorn, ou bonser, j'sais plus bin bin trop m'dame m'voyez-vous, moé et ma Maria z'essayons d'dormir ma pouvions point 'cause du bruitement d'vos jambettes...Aussi, j'a été traire la Pâquerette not' vache, pasque l'lait chaud étions bin bon pour calmationner nos fillots quand y dormions point. Z'en vouliez-vous ? »

Confuse, comprenant qu'elle empêchait le malheureux et son épouse de profiter d'un repos bien mérité après une dure journée à vendre à des prix honteux de la bière coupée à l'eau -ou à la pisse d'âne selon les palais, et à vendre des plats pourvus de morceaux de viande qui essayaient de s'échapper de l'assiette en grouillant, doté d'une vie larvaire propre, la blonde accepta le pichet de lait avec un sourire confus et après avoir salué son hôte, décida de se coucher pour essayer de dormir un peu. Les yeux grands ouverts, fixant le plafond, Eirwen ne sut quand elle s'endormit, mais une chose est sure, lorsqu'au matin elle reprit la route, elle était encore fatiguée.

C'est donc cernée, les cheveux emmêlés, sentant un mélange de sueur, de cheval et de poussière car n'ayant pu se changer, ni même se laver qu'elle pénétra sur le domaine. N'oublions pas à quoi ressemblait l'auberge, hein ?! Enfin, avec un peu de chance, si elle avait assez de temps avant la cérémonie, on lui laisserait prendre un bain et on l'aiderait à revêtir une tenue plus appropriée. Déjà elle entrait dans la cour et l'on venait à elle...

[2 février - Veille comme les autres !]

Et lui ? Se pose-t-il des questions ? Et bien non, sur le trio de futurs ennoblis, le seul à ne pas se faire de noeuds au cerveau, c'est bel et bien le bel et blond amant de la Linèta. Une seigneurie, qu'est-ce après tout ? Un lopin de terre, trois pécores qu'il convient d'administrer avec brio, deux, trois arbres derrière lesquels lutiner de la languedocienne. En vérité, Montfort est une aubaine, un pot de vin qu'il accepte bien volontiers, comme un remerciement pour la passion et les caresses dont il la couvre, elle le pare de mille grâces. Elle peut, elle en a les moyens.

Qui a dit que seules les femmes étaient vénales ? Lui aussi l'est, certainement, même si derrière la convoitise, il a un petit quelque chose d'affection, un brin d'amitié et d'admiration pour cette grue difforme qui se pavane comme aucune ne sait le faire. Voilà de la tendresse. C'est ce qui lui vient après l'envie d'elle quand il évoque pour lui-même le visage de la Siarrette. Et pour cause, il doit cesser d'y penser, puisqu'il ne va guère tarder à la voir, et il n'attendait que cela, parcourir les dernières lieues avant de pouvoir faire savoir qu'il est là.

Hola ! Ouvrez au Gisors !

C'est fin, c'est raffiné, c'est Germain.

[En chemin, près d'arriver à Saint Félix, le 3 de février 1460]

La litière, encore et toujours ! Elle soupire d'être à nouveau enfermée dans cette sorte de boite close. Quant on pense qu'il y a encore si peu de temps, elle ne voyait que par ce moyen de transport, désormais elle l'avait en horreur.
Voyons il y avait bien quelques points positifs à cela...la promiscuité avec son époux, le fait de pouvoir se tenir au chaud alors qu'elle a beau se couvrir elle n'arrive jamais à se réchauffer complétement, ne point avoir à se soucier de la route à suivre aussi...
Mais à côté de cela, la lenteur, le fait de ne rien voir d'autre que les panneaux d'étoffe entourant la dicte litière, le cœur qui se soulève aussi à chaque soubresaut...

Elle soupire donc, regarde son tendre épousé qui ne se dépare pas pour autant de son calme à l'entendre ainsi gémir, parce que bien qu'elle n'exprime rien à haute voix, il sait fort bien ce qu'elle pense de tout cela, leur amour est ainsi à se comprendre sans émettre le moindre son, elle soupire donc et lui demande...

Meu Angel ? Sommes nous bientôt à destination ?

[2 janvier, la veille toujours]

[Lina] -« Lona ! »

Un mot qui trouva écho dans ma bouche. Une écho légèrement déformé cependant mais tout aussi chaleureux et aimant.

Lina !

[Lina] -« Je suis si contente de te revoir ! Et Joana va venir, et Guillaume, et Eirwen ! Toute la famille, ho... Oui, toute la familha... »

Un élan de tendresse s'empara de mon cœur. J'allais revoir Jehanne Elissa mais également ma préceptrice ! Celle qui savait me redonner le sourire quand Mère n'était pas capable de prendre soin de nous : Eirwen. Mais la foule de questions qui me vint à l'esprit fut bien vite repoussée au loin. Linèta se confia à mots bas, à mots dits, à maux, à moi.

[Lina] -« Parce que Paire est mort, et point ne reviendra. »

Oh... Je suis désolée...

Rien n'épargnera notre famille. En cet instant j'en avais la certitude. Je savais mes mots impuissants à apaiser ma petite fleur, alors je lui ouvris les bras, ne montrant pas que mon cœur saigne. Ce ne serait que plus tard, dans l'écrin de ma chambre, que je me laisserai aller à pleurer. Alors j'essayais de rebondir, de trouver quelque chose.

Mais dis-moi, ma Lina, qui est ce Germain Gisors ? Enfin plutôt comment l'as-tu connu ?

Je ne me doutais de rien. Oh, bien entendu je savais plus ou moins, qui se cachant derrière le nom de Gisors. Après tout n'étais-je pas celle qui aidait Mère à mettre ses papiers en ordre ? Je chassais la peine qui menaçait de submerger mon cœur à l'annonce de la disparition de Cristòl que j'avais toujours apprécié. Pourquoi ne pas hurler ? Parce que j'étais ainsi faite que le paraître était important et qu'il m'était inconcevable de porter atteinte au nom que je portais fièrement. Alors j'attendais la réponse de ma petite fleur, espérant l'arracher à la douleur que je savais étouffer son âme.

[Un peu plus proche, près d'arriver à Saint Félix, le 3 de février 1460]

Le chemin est long! Après avoir fait un escale à Castilhon, dans l'attente de l'invitation la devinant proche, le couple avait pris la route et là, bien que montrant un calme à toute épreuve, le moins jeunes des deux serra la main de la plus jolie des deux et lui fit un sourire signifiant qu'il partageait sa peine.

Le chemin est long! Mais la route fût quand même agréable. Comment aurait-elle pus être autrement qu'agréable? Il est près de la femme qu'il aime!

Le chemin est long et voilà que son épouse soupire avant de lui demander si le chemin sera encore long. Un autre sourire de la part du jeune à la tête blanche.

Nous y somme presque, ma fleur. Nous voyons ici les champs et si on sort la tête on verra un peu plus loin les faubourgs de St-Félix. Dans une heure nous seront dans la cours du château... Et il y a longtemps que j'y n'y suis pas allée... St-Félix devait me manquer...

En effet, St-Félix lui manquait et il éprouvait un mélange de nostalgie et de joie à y retourner. Peut-être aurait-il enfin la réponse sur l'absence de son ami Cristòl au baptême de son fils. Il se doute que la guerre lui aura interdit de se présenter et il espérait bien le voir aujourd'hui pour le réconforter au moins par des discutions plus légère que le poids d'une épée... En même temps... toujours ce mauvais pressentiment. Le jeune Sìarr sera-t-il là? Et s'il n'est pas là? La raison de cette absence signifiera-t-elle que son pressentiment est vrai? Ne pas y penser. Dans une heure ou deux il sera fixé...

[Allez savoir quand...]

Comme tous ceux qui convergèrent, un jour, vers Saint-Félix, la duchesse d'Auxerre avait, un jour, pris la route et voyagé et pour ce faire, elle avait, un jour, quitté Auxerre, un autre jour, traversé le Lyonnais-Dauphiné, le suivant, le Bourbonnais-Auvergne, un autre plus tard, fait station en Vaunage et le jour dit, car c'était bien ce qui comptait le plus, arriva là où elle était attendue. Et après, l'on dit que c'est la manière dont on entreprend le voyage qui compte, et non la destination. Foutaises, celui qui a... un jour, décrété ça, n'a jamais été Roi d'Armes de France.

[Le jour dit]

La tête à la portière de son carrosse, la duchesse d'Auxerre contemplait sans le voir le donjon de Saint-Félix. Elle n'en voyait pas la totalité, son attelage s'étant approché au plus près mais qu'importe qu'elle le vît de loin ou non, rien ne lui était perceptible. Cela faisait cinq bonnes minutes que le train auxerrois s'était immobilisé et elle ne semblait guère pressée de descendre. C'était pourtant elle qui avait décidé d'être là, elle aurait pu envoyer n'importe qui à sa place, elle en avait la possibilité, elle en avait le pouvoir mais elle s'était fixée un but et celui-ci passait notamment par Saint-Félix, premier acte d'un séjour languedocien auquel elle s'était résolue sans trop y réfléchir et qui durerait un temps qu'elle ne pouvait déterminer.

Les deux raisons de cet immobilisme se trouvaient, concentrées, dans le vélin qu'elle tenait en main et dont elle connaissait, par cœur, le contenu, tant elle l'avait lu et relu. La lettre lui venait du comte du Languedoc et le feudataire lui exposait plusieurs points d'inégale importance, deux ayant particulièrement retenu son attention en ce qu'ils cristallisaient, en peu de mots, ses deux préoccupations. L'une était bien relative, elle concernait ses rapports avec la noblesse languedocienne; l'autre était atténuée car remplacée par une inquiétude plus importante encore puisque liée à une disparition là où elle avait redouté une apparition, à Saint-Félix même. A cette missive courtoise, chaleureuse et respectueuse, elle avait répondu de manière détachée. Ses retrouvailles avec la noblesse locale la laissaient effectivement indifférente et cela, Adrien le comprendrait fort bien; la nouvelle de la disparition en revanche l'avait grandement bouleversée mais cela, Adrien ne le saurait pas. Il lui avait fallu faire montre d'une maîtrise hors du commun alors qu'elle brûlait d'interroger à ce propos la vicomtesse de Cauvisson avec laquelle elle avait voyagé. La question aurait pu paraître naturelle puisqu'elle concernait l'un des octrois du jour mais elle redoutait, à chaque instant, de se trahir. Mieux valait donc se taire et affecter le désintérêt, et pour cela, elle n'aurait pas à forcer sa nature... et le deuxième paragraphe de l'invitation transmise par la jeune Goupil la convainquant que celle-ci ignorait la nouvelle acheva de lui faire tenir sa langue.

Se taire et affecter le désintérêt, c'est ce à quoi elle se tiendrait aujourd'hui, c'est ce à quoi elle se tiendrait durant tout son périple dans le sud, elle ne prendrait la parole que pour le strict nécessaire et le strict nécessaire ne tenait qu'en un unique terme : Hérauderie. D'une main gantée, elle appela à elle l'un de ses hommes et celui-ci, promptement vint ouvrir la portière. La lettre du Desage fut glissée dans une reliure de cuir elle-même fourrée ensuite dans un havresac et la Prinzessin, en ses voiles noirs, mit pied à terre. A sa suite apparut un jeune garçon, chargé de porter sa besace et une boîte oblongue. Elle se fit annoncer et du donjon de Saint-Félix qu'elle pouvait observer depuis sa base, elle ne vit rien.

L’arrivée à Saint-Félix. Finubar semblait réaliser qu'il n'était plus venu sur ces lieux depuis...depuis au moins deux longues années. Il s'en blâma quelques peu. Cependant il commençait à réfléchir sur sa vocation au sein de la Garde de la Reyne. Ce régiment d'élite était une compagnie agréable, mais le vieux loup ne rajeunissait pas. Sa décision penchait de plus en plus à la mise en retraite de ce corps d'armes.

Trottant lentement sur le chemin, envelopper dans sa cape pour se protéger du froid, l'Anar escorté par ses gardes personnels, avançaient sur une route de terre, plus dure que les pierres, le givre de saison ayant été retardé dans les montagnes pour surprendre toutes sorte de vies, celle-ci pouvant être végétale ou encore humaine. Les habitants du Bourg de Pérignan et de trillà, avaient vu leurs productions ralentir. Proche des familles sous sa responsabilités, le manchot avait fait ouvrir les portes du grenier pour une distribution par quantité limitée mais journalière.

Étrangement, ou concours de circonstances, les habitants des bourgs ont réagit de façon charitable les uns envers les autres et ont lancés de longues journées de chasses et ont repayé la générosité du Baron en lui rendant les portions de rationnement du grenier.

Quoiqu'il en soit, dans ses pensées, Finubar ne s'aperçut pas qu'il arrivait à présent au Château de Saint-Félix.

Une fois arrivés dans la cour, Pérignan et ses hommes descendirent de chevaux pour que ceux-ci soient menés dans les écuries afin d'être nourris, brossés et sabots décrottés. Les quelques hommes discutèrent ensemble, de loin le Noble ne pouvait être distingué du reste du groupe, si ce n'est par le fait qu'il ne portait pas le casque de la garde Pérignanaise.

Le groupe se sépara et seul l'homme sans couvre-chef parti dans une direction opposée à celle du reste du groupe.

Le bruit de pas résonnait dans le couloir. L'homme portait des hautes bottes, typique à celles portées par la cavalerie de reconnaissance, la couleur effacée prouvait d'une usure par le temps et par les actions qu'elles avaient à subir par son porteur. Des braies blanches étaient visible ainsi qu'un gilet moltoné, tel que ceux portés par les bretteurs. Une longue cape d'un magnifique rouge airain vint orner son épaule gauche. Une épée portée sur sa ceinture cadençait dans un cliquetis et un bruit sourd de coup porté à la botte de façon régulier.

En pénétrant dans la salle il eut le sentiment d'être l'un des derniers arrivés. Même Mont Joie était déjà présent. Le dos droit, stature fier, il salua les différentes personnes présentes. Mais comme à son habitude depuis les nombreuses missives échangés lors de ses nombreuses missions hors du Languedoc pour le Nom de la Reyne.

Avant cela, il salua tout de même sa nouvelle Suzeraine, pour qui il avait jouté et espérait tout de même lui avoir fait honneur et prouvé que même "diminué" on pouvait accomplir de grandes choses et pas manquer de courage devant l'adversité.

S'approchant d'un pas déterminé mais cependant lent, il sourit.

- Donà Eirwen, un plaisir de vous revoir.

[Enfin Saint Félix, le 3 de février 1460]

Il l'avait réconfortée comme d'ordinaire, et elle souriait désormais, ravie que le voyage touche à sa fin...enfin, sa fin..., cela était vite dit. Ils ne se rendaient pas à Saint Félix pour une visite de courtoisie mais pour quelque chose de bien plus solennel et en y repensant, elle éprouva quelques craintes. Saurait-elle se tenir comme il se doit ? Saurait-elle faire honneur à son époux pour qui cette journée était d'importance ?
Elle connaissait mieux, dorénavant, sa Suzeraine malgré cela, elle était impressionnée d'autant plus que d'autres membres de la noblesse seraient présents et qu'elle ne les connaissait nullement.

Elle était toutes à ses interrogations, qui avaient du prendre fort longtemps, lorsqu'elle s’aperçut que la litière s'arrêtait. Seraient-ils donc arrivés ?

Elle souleva une des étoffes lui bouchant la vue sur l'extérieur et vit, qu'en effet, ils devaient être dans la cour intérieure du Castel.

Bravement, elle sourit à l'Aimé, puis ayant déposé un baiser sur sa joue, sortit de la litière avec l'aide de celui qui les avait menés jusque là.
Une fois dehors, elle resserra sa cape autour d'elle, et prit connaissance des lieux, attendant que son époux la guide.

[J-1]

Le fait que Magalona ne s'appesantît pas sur le décès de Cristol rassura Aimelina ; les effusions n'étaient pas son fort, et sa soeur avait trop de dignité pour laisser quoi que ce fût paraître, même dans la relative intimité qui les entourait. Au contraire, elle changea vite de sujet pour un autre qui, en comparaison, était léger comme le vent de cers...

-"Mais dis-moi, ma Lina, qui est ce Germain Gisors ? Enfin plutôt comment l'as-tu connu ?"

Un large sourire s'étala sur les lèvres de la Siarrette ; en mêlant le mensonge et la vérité, elle n'en serait que plus crédible...

- « Je l'ai rencontré à Paris, en revenant de la boutique de Déco ! Il a été fort galant, il m'a empêché de glisser, et a bien pris soin de ma sécurité ensuite. Oh, Paris, c'est si sale et dangereux ! Enfin, il est fils de Kirah et Vinkolat du Breuil, mais bâtard, enfin... Ce n'est pas ça qui me gêne, tu le sais... » Que pouvait dire de mieux une bâtarde légitimée par un grossier replâtrage ?
- « Enfin, je me suis dit qu'il me fallait un champion, parce qu'Eirwen aura bientôt Finubar, comme le voulait Paire, et Skip doit défendre les couleurs d'Ariana, bien sûr ! Enfin, je manque de vigueur moi-même, et quant à me trouver un mari pour mes couleurs, tu sais bien que ce sera dur !
Germain sera donc mon champion, et comme seuls les enfants légitimes de nobles joutent sans titre... Lui, il lui en faut un. »

Eirwen de Vergeze a écrit:: Déjà elle entrait dans la cour et l'on venait à elle...

Celui qui venait à elle était l'un des hommes jadis embauchés par Delfin Blausac, et qui avait par la suite aidé le Chevalier de Siarr à récupérer le pouvoir sur sa baronnie. Hors loyal, n'ayant jamais quitté le Donjon depuis, il récurait l'écurie comme un sou neuf, tous les lundis et tous les jeudis ; Saint-Félix n'était pas une riche terre, mais il y orchestrait la collecte du salicorne et y avait une position proche de celle d'un intendant, quoi qu'il ne le fût pas. Il était factotum de qualité et bien sur lui, et s'inclina devant la donaisèla de Vergèze en disant :

-"Adissiatz, je suis Asémar, êtes-vous la dona Eirwen ? Je vous mène à l'intérieur, avez-vous des besoins particuliers ?"

Les signes distinctifs étaient simples : une blonde, seule, ce ne pouvait être une autre qu'Eirwen de Vergèze - l'allure, pourtant, peu soignée, interloquait l'homme... Il la dirigea vers l'intérieur et l'orienta en tous points selon ce qu'elle demanda, pour l'apprêter à la cérémonie. Aimelina l'accueillit avec grande joie et ne lui permit pas de rester ainsi échevelée et fatiguée ! Force laque, peignes, édredons et patience magalonesque furent mis à contribution.

C'est en pleins préparatifs féminins, en cette veille du grand jour, que l'on annonça l'arrivée du Gisors. Asémar l'introduisit également, et les joues de la Linèta foncèrent :

-"Je m'en occupe !"
Et de se ruer dans l'escalier pour sauter au cou de son bel et blond de Germain. Les présentations, ensuite, furent plus formelles, toutes conformes au mensonge qu'elle avait servi à sa soeur...

Ce beau monde se serra dans le donjon de Saint-Félix ce soir-là, et Aimelina garda à nouveau par devers ses lèvres le décès de son père, tout comme elle fut reconnaissante à Magalona de l'avoir gardé pour elle. Après un souper d'hiver, ils se contèrent quelques légendes d'oc et allèrent se coucher dans leurs alcôves respectives ; dans ce donjon austère, les pièces n'étaient séparées que par des paravents et des rideaux, et Aimelina et Magalona, comme parfois pendant leur enfance, partagèrent le même lit.

[HRP – Veuillez me pardonner pour ce retard, lié à un impondérable de taille IRL. Le post du Jour J est en rédaction !
Si j'ai mal compris les posts... Attribuons-le à ma fatigue, n'hésitez pas à le signaler Embarassed

]

[HRP] Pour rappel, Saint-Félix n'est pas un château mais uniquement un donjon, posé dans la campagne, tout près du village de Vinassan.
Il n'y a pas de couloirs dans le donjon, seulement quelques escaliers et étages. Description ici :
https://archivesrr.forumactif.com/t4-les-regles-le-plan-du-donjon [/HRP]

[Jour J, 3 février 1460]

Le jour de la cérémonie, Aimelina avait revêtu un vêtement d'intérieur, clair comme le deuil – en tout cas celui tel qu'il avait toujours été porté dans cette famille - , bleu comme Siarr, cheveux lâchés comme une pleureuse, seuls signes que le deuil faisait son chemin dans son esprit, dans ses veines, sous sa peau. Elle était à l'opposé de son ordinaire faste de mauvais goût...

[RP] Les octrois lapino-linètesques Blankatete

[RP] Les octrois lapino-linètesques Blankatete

Jehanne Elissa lui avait écrit la veille encore par un coursier courant à bride abattue, pour lui annoncer qu'ils seraient à temps, mais point trop en avance, et Aimelina se maudit d'avoir précipité l'organisation de cette cérémonie, sans attendre que la rouquine et la Puèchgaug fussent bien arrivées, installées et reposées de leur voyage. Au moins était-elle à peu près assurée que l'équipage bourguignon arriverait sans encombres !

Elle vérifia d'un regard que tout était prêt dans l'aula magna, après le repas du matin, et l'attente commença ; elle proposa une partie d'échecs à Germain, elle proposa à sa soeur de leur faire la lecture – elle s'ennuyait ferme et rongeait son frein d'impatience, en attendant les arrivées, puis que tout débutât, enfin !

Le premier à apparaître fut le Seigneur de Trillà, Baron de Pérignan, Manchot de son état, vêtu martialement et élégamment, preuve qu'à son âge, il dégageait encore fierté et honneur... avec un tantinet d'ambition qui plaisait à Aimelina ; au contraire de sa famille, la jeune Siarr craquait pour les hommes ambitieux... fussent-ils velléitaires.

- « Sénher Finubar, c'est un plaisir de vous recevoir ! Cela fait des mois que nous aurions dû organiser cette petite formalité ! Enfin, c'est l'occasion pour moi d'augmenter ma clientèle, dans le même temps... Je vous présente Germain de Gisors, fils des défunts Pairs de França Kirah et Vinkolat de Gisors, qui portera le chevron brisé de Montfort. J'aurai ainsi un champion de rechange, s'il vous prend un jour l'envie de défendre les couleurs de donaisèla Eirwen ! » Et plus, si affinités.

Asémar arriva alors, tout essoufflé :

- « Dona Aimelina, Une belle troupe est arrivée ! De quoi voyager de loin, je ne sais où loger tout cela ! »

Et pour cause, à Saint-Félix, les écuries étaient étroites, quand bien même Asémar les rangeait impeccablement ! Ce n'était pas sans raison que les Barons de Saint-Félix n'octroyaient jamais la seigneurie de Vinassan : le mouchoir de poche qu'était cette baronnie enclavée dans cette de Pérignan était une vaste blague dont les Barons de Saint-Félix se seraient facilement et à raison débarrassés pour fief plus vaste et riche, s'il n'y avait là un tel héritage culturel et familial...

- « Envoie Albin les diriger à Vinassan, aux écuries de Mestre Delmare. Ils y logeront aussi, s'il leur plaît. »

Elle avait jeté un oeil par l'un des fenestrons et reconnu l'oriflamme auxerrois. Se tournant vers Magalona et Eirwen, elle murmura, le cœur en fête :

- « Je crois que Joana et Puèchgaug sont aqui ! »

*

[En bas, Asémar, le factotum-pas-tout-à-fait-intendant, prend les choses en main]

Asémar, avec sa belle gueule d'ancien mercenaire, salua les arrivants à l'oriflamme auxerrois :

- « Nobles gens, soyez les bienvenus ! Je peux vous conduire auprès de la Vescomtessa, et quant à vos équipages, il faudra les conduire et reposer à Vinassan, à un quart de lieue ! »

C'était presque inutile à dire, parce qu'on apercevait Vinassan tout près ; un quart de lieue, qu'est-ce pour un cheval en plaine ?

- « Albin vous y conduira et introduira... » Il désigna le jeune homme qui était jusque là en retrait derrière son épaule.
A la grande dame en noir qui s'était faite annoncer, et à la rousse qui venait de descendre de voiture également, dont le minois, quoique vieilli, ne lui était pas inconnu, il dit :

- « La Vescomtessa vous attend, dans l'Aula, au second étage. Je vois là d'autres visiteurs qui arrivent, je vais les accueillir, si vous le permettez. »

Pas difficile de se perdre dans un donjon qui n'a que trois étages et un seul escalier... D'un pas énergique, Asémar se dirigea vers les seigneurs de Counozouls :

- « Sénher, Dona, soyez les bienvenus ! J'allais monter au second où se trouve la Vescomtessa, je vous accompagne ? »

À peine sortie de la litière que voilà déjà Asémar pour les accueillir! Il n'aura donc pas changé malgré les années. Et sitôt sortie, voilà que Tacitus; anciennement nommé le Garçon de Cours, mais comme il est impossible de passer plus de 30 ans avec un homme sans le nommer d'un nom, il a bien fallu lui en trouver un, ce fût ainsi qu'on le nomma Tacitus, puisqu'il ne dit jamais un mot; Tacitus, donc, s'éloigna avec la voiture pour laisser le champ libre pour les suivants.

Ce proposant de les suivre, Skip ne perdit pas de temps et tendit un bras à son épouse et, la tête haute, chargé uniquement de son épée, avança vers l'entré en soufflant un joyeux: Bien sur! Puis présenta les lieux à sa fleur, ce qui ne fût pas très long, car déjà, ils arrivaient au deuxième étage. Il avait hâte de revoir Cristòl! Trop de temps sépare chacune de leur rencontre. La petite Aimelina, plus si petite, est devenu une femme merveilleuse et là, de la voir... Il lit sur le visage de celle-ci la même expression que quelque jours au par avant!

Il regarde dans la salle et n'y vois pas Cristòl. Il s'approche de la jeune vicomtesse et lui souriant, la salut et lui demande:

Adissiatz Donaseila, votre père se cache-t-il pour être ainsi invisible? Ou peut-être nous rejoindra-t-il plus tard? À moins qu'il ne soit encore retenu dans le Nord...

On y entre si on y a ses entrées dans ce donjon, on y entre si on y est accueilli et il l'est, par sa galinèta qui lui tombe dans les bras, petit oiseau frais et léger qu'il cueille d'un bras fort, qu'il serre contre lui, un peu sournoisement du reste, discrètement qu'un valet ne voit pas cette main là qui s'égare sur un tétin, ces lèvres qui viennent mordre une oreille. Tu parles d'un champion.. Champion de la perversion qui s'attend déjà à ce qu'elle lui tombe toute crue dans les bras comme dans leur Paris à eux.

Bah faut pas croire.. Et c'est sur une simple paillasse qu'il passa la nuit tandis que la Siarrette, elle, dormait avec sa soeur. Alors distinctement, la chose est dite.

Je préférais Paris.

[Jour J]

Dans son ombre, ou est-ce l'inverse, couvant la Linèta d'un regard qu'il veut le plus décent possible même si à voir l'étoffe pure coller le corps de la jeune femme, il n'aspire qu'à lui enlever - la décence est bien éprouvante certaines fois - que fait le Gisors ?

Il joue de mauvaise grâce aux échecs, et pis, perd par négligence. Alors, les bras croisés dans un coin de l'Aula Magna, il boude. Voilà.

Jehanne Elissa regarda le Donjon avec un tressautement de joie au coeur. Enfin, les revoir ! Tous, Aimelina, Magalona, Paula, Actarius, Guillaume, Cristol, Eirwen ! Ses tuteurs, sa fratrie, son enfance ! Ne manquait qu'Eilinn au tableau, mais elle aurait d'autres raisons de la revoir plus tard.
Elle suivit avec empressement Asémar dans l'escalier, heureuse d'être arrivée à temps, de Bourgogne d'abord, et désormais, de Cauvisson où ils avaient déchargé le gros de ses affaires. Elle était de retour en Languedoc...

Elle grimpa l'escalier, pas encore résolue à enlever sa cape fourrée de renard. Même dans le froid, ce donjon était émouvant, pour les quelques temps qu'elle y avait passés, plus jeune. Et pour la cérémonie à venir. Au second étage, il faisait plus chaud, et la chaleur la convainquit enfin de quitter sa cape, lorsqu'elle fut dans l'aula magna. Cape alanguie sur le bras, elle se précipita aux devants d'Aimelina, Magalona, Eirwen... Enfin, ses soeurs aux tréfonds de son coeur.

- " Adissiatz Linèta ! Magalona, Eirwen ! C'est si bon de vous revoir ! Tante Pol et Cristol ne sont pas là ? Et Tonton Acta ? Et Guillaume, où se cache-t-il ? Moi qui croyais être la dernière ! "

En public, elle aurait pu être moins familière. Mais toutes les personnes présentes, elle en avait la conviction, étaient des amis, des gens qui ne considéraient pas Actarius, Paula ou Cristol avec défiance.

Ils furent accueillis, prestement, et il fut indiqué où devraient être menés les chevaux. La garde morvandelle, sur un signe de sa maîtresse, accompagna équipage et valetaille, il valait mieux que les taciturnes Bourguignons se tinssent loin de tous ces bouillonnants Occitans et il n'y avait pas lieu de se présenter en la grande salle escortée comme s'il lui prenait l'envie de traverser l'Anjou. La duchesse d'Auxerre ne garderait avec elle que son clerc, celle étant habituellement chargée de consigner ce qui devait l'être et de l'assister étant l'une des actrices du jour. Ce fut d'ailleurs vers celle-ci qu'on les conduisit et elle emboîta le pas, suivie de son jeune scribe, à Jehanne Elissa manifestement pressée de retrouver leur hôtesse. D'un pas plus mesuré, Ingeburge gravit les marches, retenant de sa main gantée mante et houppelande pour ne pas se prendre les pieds dedans et elle atteignit finalement le deuxième étage, débouchant dans l'Aula Magna où la vicomtesse de Cauvisson, décidément bien en jambes, était déjà, toute en exclamations, en train de saluer trois jeunes filles. Deux parmi celles-ci étaient connues du Roi d'Armes, la troisième non et elle saurait bien assez tôt qui étaient ceux qu'elle n'avait jamais croisés, cette donzelle donc, mais aussi un jeune homme à la mine renfrognée. Quelques saluts légers furent adressés à la ronde : à la maîtresse des lieux, à la comtesse du Gévaudan, aux seigneurs de Counozouls, aux deux inconnus mais pas un mot ne sortit de la barrière incarnate de ses lèvres.

Son cœur, rendu plus rapide tant par la montée de l'escalier que par l'appréhension de croiser quelque figure aussi redoutée qu'espérée, déjà se calmait; elle était loin d'être âgée, l'exercice ne l'avait pas fatiguée au point de ne pas vite s'en remettre et il n'était pas là. Elle fit glisser sa capuche sur ses épaules et souffla quelques mots à son clerc.

Skip Lo Casalièr a écrit:: Adissiatz Donaseila, votre père se cache-t-il pour être ainsi invisible? Ou peut-être nous rejoindra-t-il plus tard? À moins qu'il ne soit encore retenu dans le Nord...

Aimelina chercha le regard de Magalona, elle jeta un oeil à Finubar qui n'était pas loin, à Germain auquel, même, elle n'avait osé encore dire son deuil... Elle finissait par ne plus s'expliquer quelle pudeur la retenait d'annoncer publiquement le décès ; elle espérait qu'à ne point faire publicité de ce départ, son père vivrait encore.

-"C'est bien dommage, car il ne nous rejoindra pas, hélas !" Elle s'était efforcée de donner à sa voix un ton badin, dégagé, presque enjoué. Mais ça ne peut tenir longtemps, ce genre de dissimulation... "J'ai reçu de ses nouvelles récemment, je, oui, je vous en dirai plus tout à l'..."

Jehanne Elissa a écrit:: - " Adissiatz Linèta ! Magalona, Eirwen ! C'est si bon de vous revoir ! Tante Pol et Cristol ne sont pas là ? Et Tonton Acta ? Et Guillaume, où se cache-t-il ? Moi qui croyais être la dernière ! "

Aimelina pressa Jehanne Elissa contre son coeur, oubliant un instant Lo Casalièr, espérant qu'il lui pardonnerait. Un instant, ses yeux s'humidifièrent, réalisant toutes les mauvaises nouvelles qu'il fallait lui annoncer, et elle papillonna des paupières en disant :

-"Tu m'as bien manqué, Joana ! C'est si beau de te revoir que j'en pleure de joie, tu vois ! Mais tu ne verras Paire ni Maire... Maire est retirée, désormais, à Saint-Guilhem, tu sais ! Elle ne viendra pas, ni Paire, comme je le disais là al Casalièr !"

Se tournant vers Skip :

-"Tu connais Skip Lo Casalièr, le seigneur de Counozouls ? Oh, je ne me rappelle même plus ! Et Dona Ariana Anthea, son épouse, et leur fils s'appelle Olivièr Cristol ! Paire serait si heureux..."

Et comme Puèchgaug faisait son apparition depuis l'escalier, Aimelina cessa les badinages pour répondre :

-"En vérité je crois qu'il ne manque que Guilhem... Actarius ne viendra pas, Joana ; en fait, il a disparu, nul ne sait où, et je prie chaque matin pour lui et pour... Enfin. On pourra commencer quand tu seras prête, veux-tu boire quelque chose, et vous, Puèchgaug ? Voulez-vous le boire ou le manger, pour vous remettre du viatge ?"

[Jour J]

Avait-il vraiment changé ? Avait-il vraiment vieilli ? Non, les nombreux jours écoulés n'avaient pas suffi à déplumer un Phénix bien accroché encore à la vie. Si bien que même les fortes fièvres, les multiples saignées n'étaient pas parvenues à décrocher la dernière des serres, la plus vivace. Oui, il était bien là. Son regard, quoique un peu las, était fier, sa stature, bien que légèrement voûté par la faiblesse qui le tenait encore fermement, toujours digne, sa démarche, rendue hasardeuse et accompagnée de l'écho boisé d'une canne en raison d'une blessure à la jambe droite lors de joutes passées, encore martiale, son visage, tristement pâle et aux rides ainsi accentuées, invariablement souriant. Oui, c'était bien lui. Le même. De retour après être passé non loin du point final. Son apparence ne laissait pas vraiment augurer d'un mieux, car la plupart des personnes présentes gardaient de lui une image d'un être fringant. Mais eu égard à ce qu'il avait traversé et à son état des jours derniers, cela ressemblait véritablement à un mieux. Trompeur peut-être, car les desseins du Très-Haut demeuraient impénétrables.

L'oeil vif balaya la salle. Un visage inconnu et d'autres bien plus reconnaissables. Il en fut un particulier dont cet oeil peina à se détacher. Un visage aimé, adoré, celui d'une déesse sombre, fidèle à sa beauté, fidèle à ce qu'elle inspirait en ce coeur vieillissant. La Prinzessin... A sa vue, le faciès de l'Euphor se dérida tout à fait, il rosit peut-être même, quitta cette funeste pâleur. Heureux, il l'était de la retrouver. Infiniment heureux de bénéficier d'un peu de répit pour la revoir encore.

Le Sienne abandonna finalement la dulcinée à regret et parcourut le reste de l'assemblée jusqu'à tomber sur sa future suzeraine. Sa petite étoile, celle qu'il avait portée de Carcassonne jusqu'à Montpellier, celle qu'il avait protégée. Fidèle parmi les fidèles. Et son accent d'oc de chanter enfin comme il se devait dans ce lointain Saint-Félix.

Addissiatz...

La petite goupile fronça les sourcils de dépit. Ni Paula, ni Cristòl, ni Acta ? De qui se moquait-on ? N'était-elle pas revenue pour les revoir tous ? N'était-ce pas déjà difficile d'avoir appris la mort de Margarida et celle de Lop-Guilhem ? Elle ouvrit la bouche, prête à dire que ce n'était pas le temps de manger ni de boire, ni même de faire des octrois, qu'il fallait partir en quête de Tonton Acta, puisque les autres absents, au moins, on savait où ils étaient ! Les mots pourtant peinaient à trouver leur chemin entre ses lèvres :

- « Mais... Mais non, mais... ça va pas du tout ! C'est... C'est pas, c'est pas le moment, voilà, non, mais, c'est... »
- « Addissiatz... »

Jehanne fit volte-face, comme une girouette, pour découvrir émergeant de l'escalier... Tonton Acta ! Acta brisé ! Acta outragé ! Acta martyrisé ! Mais Acta libéré ! Un arc-en-ciel illumina le coeur et les yeux de la rouquine, qui prit le temps de dire à Aimelina avec un tendre reproche :

- « Faut pas faire des blagues sur les gens, Linèta, ça porte malheur ! »

Avant de bondir aux devants d'un Tonton Acta bien changé depuis tout ce temps... Mais on peut changer, se ratatiner, prendre des rides ou des cicatrices, on a toujours la même beauté dans le coeur de ceux qui nous aiment. Et Jehanne Elissa l'aimait, Acta, comme le père qu'elle n'avait jamais eu, elle l'aimait bien plus qu'elle n'avait jamais aimé Louis Raphael ; et si elle en avait voulu à ses tuteurs de lui avoir caché que son père était encore en vie, elle était revenue de cette crise. Car un père en vie qui végète et ne se soucie pas de sa fille, est-ce encore un père ?

Les yeux pétillants, elle s'approcha d'Actarius, inconsciente de tout ce que cette apparition avait d'un coup de tonnerre, dans cette salle où il était connu comme abonné absent. D'une voix joyeuse, elle dit :

-« Actarius, comme vous m'avez manqué ! Aimelina était après dire des sottises, elle disait que vous aviez disparu, que j'ai eu peur ! »

A boire? La Prinzessin ne répondit pas tout de suite à Aimelina sur laquelle elle venait de poser son regard vide. Ce n'était pas tant la question posée qui expliquait la fixité de ces yeux pâles qui rarement s'émouvaient que ce qui avait précédé. La nouvelle de la disparition venait d'être confirmée – et avec quelle concision – par la vicomtesse des Fenouillèdes et l'avait saisie comme si c'était la première fois qu'elle en avait vent. Car c'était quelque chose de la lire et de comprendre que le comte du Languedoc n'était au final pas très sûr de l'information, c'était autre chose de l'entendre et de se rendre compte que l'incertain avait fait place à l'avéré, détruisant l'imbécile espoir qu'il n'était que retiré et que quelqu'un, quelque part, le savait et veillait sur lui. Alors, oui, à boire, et quelque chose de fort, quelque chose pour assommer, anesthésier, désinfecter, pour se guérir en somme et détruire à jamais les chimères et les rêves.

A boire. Elle fut sur le point d'accepter, elle qui ne buvait que du vin au cours des repas et qui, parfois, nostalgique d'une époque révolue, savourait une Kölsch, cette bière de Cologne qui lui avait été rendue, en quelque part, avec Berg. Pour une rare fois, elle pouvait bien passer outre sa résolution en la matière, elle en avait déjà piétiné tant, à cause de lui justement, et un coup de l'étrier ne serait pas de trop pour l'encourager à se jeter dans la lutte car ce n'était rien de moins qu'un combat contre sa souffrance qui s'engageait. Alors oui, à boire, et quelque de fort, quelque chose pour reprendre pied, pour se donner du courage, pour faire face, pour ne pas fuir, pour en somme revenir dans la réalité.

Oh, oui, à boire. Voilà maintenant qu'elle l'entendait, qu'elle reconnaissait la voix du disparu, qu'elle percevait ce court salut prononcé en cette langue honnie qui ne lui était supportable que lorsque c'était lui qui l'utilisait. Sa raison, manifestement, vacillait plus que ce qu'elle croyait, et si elle était habituée, dans ses phases d'abattement, à le voir apparaître devant elle, jamais encore elle n'avait souffert de telles hallucinations sonores. Plus le temps passait, plus il habitait son esprit, ses songes, son quotidien et un nouveau stade venait indubitablement d'être dépassé puisqu'elle l'entendait comme s'il avait été tout proche. Alors oui, à boire, et quelque chose de fort, quelque chose pour le faire taire, quelque chose pour le bannir de sa tête, de son cœur, de son âme, quelque chose pour le faire vraiment disparaître en somme puisqu'il était normalement disparu.

A boire. Quelque chose de fort. De sa voix rauque, elle répondit enfin :
— De l'Armagnac, ou une quelconque eau-de-vie, je vous prie.
Car de son regard désincarné, elle venait de suivre Jehanne Elissa qui s'était précipitée vers le disparu et qui, de sa voix pleine de gaieté, accueillait celui-ci.

La présence du Vicomte du Tournel et la réaction de Jehanne soufflèrent tellement la Linèta qu'elle ne put que béer de la bouche comme une carpe. Non, elle n'avait pas voulu rire ; non, elle n'avait pas idée que le Vicomte viendrait, lors qu'il avait disparu de la circulation et même renoncé au devoir de conseiller comtal, de fait, par son absence. Un homme d'honneur doit avoir des raisons pour agir ainsi, et le voir surgir à Saint-Félix laissait au fond de la gorge d'Aimelina un goût inexpliqué. Ce n'est pas un goût que l'on aime sentir, c'est un goût à désinfecter au plus vite.
Elle se rattrapa à la réponse de Puèchgaug, qui lui donnait un prétexte pour s'affairer et garder contenance :

-« De l'eau-de-vie, oui, oui, de l'eau-de-vie... Je n'ai que celle de Pérignan, produite à quelques lieues de là par le baron Finubar, de l'eau-de-vie de poire qui fut présentée au Louvre à Sa défunte Majesté... De l'eau-de-vie, oui... »

Aimelina servit elle-même les coupes, une pour Ingeburge, une pour elle-même, une pour le Germain qui serait tenue de l'accompagner (laisse-t-on une femme avoir l'inconvenance de boire à grandes lampées d'un alcool fort ? on a la décence de boire avec elle, afin qu'elle ne se sentît point en attitude d'ivrognerie).
Elle regarda les autres présents, Magalona, Eirwen, ses vassaux Trillà, Counozouls-elle-et-lui.

-« Poire de Perinhan ? Hypocras ? Eau de Vergèze ? » Ciguë ?

Remarquant l'arrivé de son vieil adversaire, Skip en eu le souffle coupé. Étais-ce lui-même qui était donc la cause de la disparition du Vicomte? Le voyant arriver, trainant la patte comme un oiseau blessé, Skip eu honte d'être encore en pleine forme! Il est le plus vieux ici et contrairement à tous, il était entier, amoindrie en rien, ne serais-ce que par un passé dont personne n'a connaissance de toute façon hormis son épouse. Et encore, ce passé ne le diminue pas mais le rend plus fort et plus serein aujourd'hui! Plus encore, puisqu'il attend finalement que sa jeune épouse accouche de son deuxième enfant!

Il passe son regard vers les présents et se rend compte finalement des visages de chacun, des bras qui manque ou qui sont atrophié, les visages décomposé d’officier royaux réclamant à boire pour faire passer les émotions, de jeune fille troublée et finalement le visage de son épouse, souriante. S'il avait eu un miroir, il aurait vu un visage vieux, mais hilare, ridé mais serein, si serein et hilare pouvait être sur un même visage.

Brusquement il eu honte de lui et de son apparente immortalité, celle qu'il aura cherché toute sa vie et qui finalement ne lui montrait que le visage de la mort.

Un frisson le parcouru, car il eu encore son pressentiment. Aimelina avait eu des nouvelles de Cristòl et tardait à en donner la teneur.

Machinalement, il serra un peu plus le bras de son épouse, qu'il tenait encore, priant de ne pas vivre assez vieux pour la voir mourir elle et ses enfants!

Pour l'heure, il est sans voix! L'arrivé d'Actarius, dans cet état surtout, lui avais mis un froid dans le cœur. Tant qu'il était absent, il ne pouvait s'en vouloir! Mais là! Assurément qu'il était la cause des malheurs du Vicomte! Serais-ce aussi sa faute si Cristòl n'est pas présent? Et Djahen, assassinée, n'est-ce pas sa faute aussi? Et Majda? Et Mestia... Et Tock le Forgerons... et... et... Il a vu tant de personne mourir... Il n'arrive même plus à se souvenir de tous tellement il y en a!

Ce qu'elle avait, à première vue, pris pour un Castel s'était révélé être, en fait, un donjon ! Sa si petite expérience du monde avait failli lui jouer un bien vilain tour, heureusement elle n'avait dit mot, tout était donc parfait.

Tout comme fut parfait leur accueil qui se fit dès leur descente de litière. Elle suivit son époux, ne lâcha son bras que pour gravir le degrés ce qui lui parut des plus ordinaires puisqu'on ne pouvait s'y trouver à deux de front au risque de s'y gêner grandement, alors que sans rien en laisser voir, elle en avait profité pour premièrement s'efforcer au calme et secondement monter à son rythme, rythme qui de mois en mois ne s'arrangerait certainement pas.

Enfin elle avait réussi, lentement mais sûrement, et pénétrait dans la grande salle. Elle suivait son époux comme il se doit, comprenez un pas derrière, et saluait selon l'usage voulu ceux qui lui étaient présentés ou qu'elle connaissait et ceux-là, ils étaient bien peu...Elle souriait, pourtant, non pour charmer ou par une sorte d'hypocrisie qui fait que même si on n'est pas à son aise, on fait tout comme, elle souriait tout simplement parce que chez elle c'était comme respirer. Le sourire lui était donc naturel.

Sourire qui s’agrandit lorsque parut le Vicomte de Tournel ! Certes, il semblait un peu las et blafard, mais rien qui ressemblait aux rumeurs dont elle avait eu connaissance et qui l'avait sur le coup fort chagrinée. Non qu'elle connaisse bien l'homme, mais l'estime qu'elle porte au Vicomte est des plus réelles et la confidence entendue eut-elle été vraie qu'elle en aurait éprouvé grande peine.

C'est en un instant qu'elle remarque le regard de son époux sur elle, elle y accroche le sien juste à temps pour percevoir un frisson et ressentir sur son bras un appui un peu trop marqué pour être ordinaire.
Elle le détaille mieux, et semble comprendre que quelque chose ne va pas. Elle ne saurait dire quoi au juste mais il est tourmenté, elle le voit et le sent surtout.

Posant sa main sur celle de son époux, espérant par là même le faire revenir à ses devoirs présents, elle annonce d'un sourire à leur délicieuse hôtesse...

La poire sera parfaite pour mon époux, Mi Dons....quant à moi, je n'ai besoin de rien...soyez remerciée.