Le jeune fils

Rekkared répondit :

- « Pour le lieu, j'en cherchais un justement, et votre suggestion me semble un bon choix, car Narbonne est près d'ici. Et il me semble qu'il vous faille en faire la demande en ces lieux : Registre de l'église, demande de bapteme, mariage. Et point n'est besoin de demander ni parrain ni marraine, cela n'est guère une obligation pour un baptême. »

Cristòl revint de la ville fort de nouvelles rencontres, et surtout d'avoir rencontré en chair et en os la dame de Ruffieux, diaconesse de Narbonne. Il se rendit près de son père, afin de lui apprendre ce qu'il savait de neuf.

-« Père, j'ai vu ce matin dame Motarde, qui m'a fait le plaisir de m'accorder audience.
Elle ne célèbrera plus de cérémonies à Narbonne avant longtemps, même après le deuil de Son Eminence. Mais elle m'a dit accepter de me baptiser en la Chapelle de Saint Félix, si cela vous agrée. »

Rekkared répondit :

- « Fils, cela me plaît, et je vais faire le nécessaire pour que ce baptême se fasse en notre Chapelle. »

Le jeune fils sourit, légèrement embarassé à la pensée de la dame de Ruffieux. Il ajouta encore, hésitant :

-« La diaconesse m'a recommandé d'avoir parrain et marraine, mais j'ai si peu de connaissances... Sauriez-vous qui accepterai de me rendre ce service, mon père ? »

Rekkared refléchit puis dit :

- « Je pense que damoiselle Margot serait bien disposée pour être votre marraine. »

Le jeune garçon hocha la tête, pensif. Il avait vu en tout trois fois la jeune baronne : quand elle était venue pour le reconnaître, au dîner du nouvel an avec Phelipe de Saunhac, et de loin, au concours de la Reyne du Mai.

Les trois fois, elle lui avait paru d'une autre essence. Tombée des étoiles - car tombée de la Lune, c'eut été la taxer d'hérésie, et du soleil de sainteté, ce qui dans les deux cas ne correspondait pas à l'idée que Cristòl avait de la jeune fille.
Elle était trop différente. Elle était partout, dérangeante presque d'être si exemplaire et si jeune. Cristòl se surprenait parfois à se demander si une vie trop remplie ne finissait pas plus tôt que les autres. Le regard si innocent de la baronne, qu'il avait croisé une fois vraiment, le mettait mal à l'aise. Comme si ce regard savait. Il ne pouvait qu'y avoir le démon, pour faire tant, savoir tant, et garder un regard si candide. Un regard fourbe. Perfide.

Mais il devait reconnaître que ses idées n'étaient sans doute pas partagées et que la baronne était l'une des rares qui n'avait jamais fait défaut à son père lorsqu'il faisait appel à elle, pour quoi que ce soit.

-« Je pense que vous avez raison, père. Et pour le parrain, avez-vous une idée ? »

Et il baissa le regard, penaud. En fin de compte, il n'avait jamais été présenté comme le fils du baron qu'à ceux qui étaient venus au dîner du nouvel an, et ne connaissait, vraiment, personne.

Rekkared répondit :

« Il me semble que comte LeGueux pourrait être un bon parrain. A voir avec lui. Je vais d'ailleurs faire le nécessaire pour cela. »

Cristòl se redressa comme si une guêpe l'avait piqué.

-« Le Coms ? Ce... C'est un honneur bien grand, il ferait cela pour vous ? Ah, père, je vous admire, vous devez avoir une bien grande influence à Montpellier.
S'il était d'accord, j'en serais très honoré. »

Rekkared répondit :

« Oui, je pense qu'il le serait. »

D'ailleurs, la réponse du Comte ne se fît pas attendre... Peu de jours après, il la donna. LeGueux fit renvoyer missive en réponse à Rekkared ainsi rédigée :

Citation :

Nous, LeGueux, Coms de Lengadoc,

à vous, Messire Rekkared, baron de Saint-Félix,

Bonjorn !

C'est pour nous un honneur que la demande que vous nous faites. C'est donc avec joie que nous y répondons positivement.

Faites nous savoir dès que possible la date de cet heureux évènement, que nous puissions prendre nos dispositions.

Legueux, Coms de Lengadoc, a écrit et ratifié,

Date en l'enceinte du castel de Montpelhier, le jeudi jour des ides de juin de l'an Pâques MCDLV [mercredi 13 juin 2007].

Qu'il en soit ainsi, heureusement.
Occitania per Totjorn !

Un jour, Cristòl, revenant de la ville, alla parler à son père :

-« Mon père, j'ai pu parler une fois encore avec la dame de Ruffieux ce jour d'hui. Elle m'a demandé si la chapelle de Saint Félix avait été consacrée, et je suis confus car je n'ai pas su lui répondre...
Sauriez-vous m'instruire, que je puisse l'instruire de l'état de votre chapelle la prochaine fois que je la verrai ? »

Rekkared, embarrassé, répondit :

« Effectivement, la chapelle ne fût jamais consacrée... Elle m'a d'ailleurs demandé la chose et je lui ai rpondu par la négative. Mais cela va être fait en temps et en heure sous peu. »

Cristòl sourit et laissa ses pensées vagabonder vers la diaconesse. Une femme forte, assurément, et pieuse, et belle. Puis il dit, comme pour conclure :

-« Cela est bien, alors. Il est vraiment dommage que mon certificat n'ait pas été gardé, mais cela me sera un plaisir de dire à nouveau ma foi.

Père, avec votre permission, je voudrais aller m'entraîner un peu à monter. J'ai chuté, hier, sur la route de Narbonne, ce qui me confirme dans l'idée que je ne suis pas encore un cavalier hors pair. »

Rekkared encouragea son fils :

- « Je ne peux que vous encourager à cela, car vous devrez être fin prêt sous peu. »