[RP] Courrier vassalique

Aimelina avait une, non deux questions, questions vitales, d'une importance... Capitale. Elle prit la plume sitôt après avoir écrit à sa soeur. Comment tourner les mots pour demander tout ce qu'elle voulait ?

Citation :: D'Aimelina de Sìarr, Vicomtesse des Fenouillèdes,

À Ariana Anthea del Casalièr, Dame de Counozouls,

Adissiatz !

Dòna je pourrais vous en parler à la Hérauderie, mais cela ne me semble pas le bon endroit. Je vous y remettrai ce pli, et si vous le souhaitez, vous pourrez me répondre de visu ou venir me voir. J'ai parfois du mal à vous approcher, je ne sais comment vous interpeller, je vous connais trop mal, et je le regrette tant ! Je vais peut-être faire le séminaire de Narbonne, et nous nous y verrons, mais pour l'heure, une autre affaire m'amène à vous.

Le Baron Jehan Djahen a demandé ma main. Je n'ai pas répondu, je veux l'avis de mes vassaux et de ceux qui le connaissent. Finubar était là et approuve, Germain de Gisors, en revanche, désapprouve ; le Baron Salvaire d'Irissarri a aussi tenu des propos peu amènes à propos de cette demande et du Baron Jehan.
Vous qui avez accompagné son enfance, qui êtes sa vassale et la mienne, voulez-vous me donner votre avis ? Est-il bon et aimant, saura-t-il pourvoir à mes besoins ? Ne me fera-t-il pas, d'ici quelques années, le reproche de ma difformité ? Quel homme est-il, parlez-m'en ! Et dites-moi si vous béniriez cette union de vos voeux, ou la condamneriez. J'ai aussi demandé à ma soeur, et son avis pèsera énormément aussi, puisqu'elle est chef mon aînée... Mais je crois que dans mon entourage, nulle mieux que vous ne peut me renseigner sur lui, sur l'homme au-delà des titres avantageux pour l'union. Parce qu'il est certain que sur le plan des titres, cette union est très souhaitable.

Donnez-moi également, par courrier ou quand vous me croisez, des nouvelles de vos enfants. Ce n'est pas parce que je n'en demande rien à la Hérauderie, tout affairée à mes affaires, que cela ne m'intéresse pas. Donnez-moi aussi des nouvelles de votre époux, je ne crois pas en avoir eu depuis la cérémonie d'octrois où vous avez renouvelé vos serments... j'aurais, je crois, besoin de ses savoirs, car j'ai depuis quelques jours des maux de ventre, et je n'oublie rien de ses talents de médicastre. Hélas, le tonique dont il m'a fait don est impuissant à me rendre plis vigoureuse.

Soyez assurée du grand respect et de l'affection que j'ai pour vous.

Aimelina de Sìarr

[20 mai 1460]

De Saint-Félix, où elle était alitée, Aimelina écrivit à Narbonne, à trois lieues de là, une broutille d'une heure à peine, à cheval, à son vassal, pour une requête pressante et confidentielle.

Citation :: D'Aimelina de Sìarr, humble nièce,

À Skip Lo Casalièr, médicastre de la mesnie de Sìarr,

Adissiatz !

Cher vassal, cher oncle,
Votre épouse vous aura sans doute dit que je veux lui bailler Gincla, pour confirmer mon attachement à vous et vos enfants, pour vous placer hors du besoin et hors de toute nécessité d'avoir encore affaire au Baron Jehan Djahen.
Ce faisant, j'ai fait le douloureux sacrifice de la possibilité de l'épouser un jour. En dépit de ce que j'ai promis à votre épouse, après ses confidences du mois passé, il m'a fallu y réfléchir à deux fois, car je me trouve dans une situation qui rend tout choix malaisé. Mon oncle, je vous le dis, et gardez-le pour vous, cachez-le, enfouissez-le en votre sein, n'en dites rien même à votre épouse, si vertueuse et qui s'alarmerait pour mon âme, je crois : je suis enceinte. Cette situation pourrait me pousser dans les bras de n'importe quel homme m'offrant l'hymen. Mais tant de considérations, que j'ai brassées et rebrassées en mon âme et dans la confidence de ma marraine, Ayena d'Alquines, à qui vous pouvez toucher deux mots de ma démarche, puisqu'elle est dans la confidence de mon état, ont abouti à la conclusion que je trahirais la mémoire du père, en épousant Jehan Djahen, et que ce ne serait même pas une porte de sortie sûre, si l'enfant ne devait pas du tout lui ressembler.
Vous qui êtes connaisseur de l'âme humaine n'aurez point trop de peine à deviner qui est le père ; il m'a dévoré la bouche devant tous, à la cérémonie de renouvellement de vos octrois, et est décédé voici quelques semaines de la main de Thibert d'Euphor, lui aussi ayant perdu la vie dans l'affaire. J'ai écrit à sa soeur en Normandie, qui va m'accueillir, et je vais dans les semaines à venir m'affairer à trouver un père plus convenable, ou à grossir dans le secret. Je compte proposer à l'un des frères Gisors la paternité de l'enfant... Sans doute seront-ils rebutés de mon infirmité, je n'ai guère d'illusions, mais enfin... Encore une fois, gardez cela pour vous. Je vous écris car, préparant mon voyage, que dis-je, ma fuite vers la Normandie, je me heurte à un problème de taille : les nausées que mon état me causent ne veulent pas perdre en intensité, ce qui rendra toute route lente et douloureuse. Avez-vous déjà eu à traiter de pareils maux ? Pensez-vous pouvoir les apaiser un peu, quand bien même serait-ce par une drogue assommante (après tout, en voiture, peut-on se plaindre de dormir à poings fermés et d'en sentir le temps passer plus vite ?) ? J'espère partir sous quelques jours, et je place tous mes espoirs en vous.

D'ici là, n'hésitez pas à me faire porter des médications ou venir me les administrer par vous-mêmes, ou m'en donner le nom, que je puisse me fournir en route. Vous êtes ma planche de salut, car je ne saurais voyager dans l'anonymat et sûrement si mon état requiert d'incessantes haltes.

Casalièr, que Très Haut nous vienne en aide,

Aimelina

[20 mai 1460, en soirée]

Le courrier à peine reçus, les ordres furent donné. D'un côté, Ariana fit préparer la litière et les vêtements de voyages, de l'autre, Skip dirigea la préparation de la malle contenant le nécessaire pour les éventuelles préparations. Ceci fait, un courrier fût envoyé pour annoncé la venu du vieil homme et son épouse.

Citation :: De Skip Lo Casalièr

À Vous, Petite Fleur de Lin,

Adissiatz!

Ma suzeraine, tendre nièce,

J'ai en effet appris pour Gincla et tiens à vous adresser les remerciements. Votre générositée n'a aucun égal en ce monde. Je ne vous cache pas le soulagement que cela nous procure, à Ariana et moi, que d'apprendre que nous pourrons enfin vivre en paix avec nos allégeances!

Concernant votre âme et ce que pense Ariana, soyez rassurée! Notre seul soucis est de vous savoir en santé et heureuse! Cet enfant, bien que conçu hors mariage, l'a été dans l'amour. Il est tout autant un enfant de Dieu que vous ne l'êtes! Je prendrai le temps de discuter avec vous, car je part à l'instant. Ce courrier me précèdera de seulement quelques heures, qui vous laisserons le temps de vous reposer! Dès les premières lueurs du jour je serai à votre porte!

Vous aurez compris aussi, et je vous demande pardons, qu'Ariana est au courant de l'affaire. Il n'y a aucune malice à ce geste, car elle lit tout mes courriers, et ce, avec mon accord. Nous ne nous cachons rien, d'aucune sorte, mais elle respectera le silence que vous demandez. Elle ne sera pas présente lors de notre rencontre et restera dans les appartements qui nous serons assigné pour la duré de notre séjour.

Je profiterai aussi de l'occasion pour vous offrir un secret. Je ne vous en dit pas plus pour ne pas vous inquiéter! Sachez seulement que ce secret n'est connu que de Ariana et que j'estime qu'il est de mon devoir de ne rien vous cacher à mon sujet.

Vous trouverez une fiole avec ce message. Ce n'est qu'un petit quelque chose pour vous aider à dormir ce soir et être en forme lorsque je vous verrai au matin! Buvez le contenu au complet et n'ayez crainte du goût, je pense que vous apprécierez le goût de miel.

Qu'Aristote vous garde en santé!

Skip Lo Casalièr

Aimelina reçut un courrier retour plus rapidement qu'elle n'aurait cru - elle aurait pourtant dû s'en douter, Narbonne était vraiment tout proche de son donjon ! Elle parcourut à toute allure les mots de Skip, sentit un soulagement d'apprendre qu'Ariana, bien qu'ayant appris son état, ne la méjugeait pas pour ce fait. Curieuse de ce que Skip souhaitait lui dire, elle se détourna bien vite de cette préoccupation en lisant le conseil qui lui était fait de consommer sans tarder le remède joint au pli de papier.

Elle ne répondit rien, le coursier trouverait probablement, de toute façon, la maison des Casalièrs vide ; elle avala toute la médication, se sentit mieux et eut même envie de manger une tranche de pain et un peu de fromage blanc de brebis... Puis elle s'endormit. Etait-ce le médicament, était-ce parce que ceux dont elle craignait le jugement lui témoignaient de leur amour inconditionnel, ou était-ce un peu des deux ? Elle passa la nuit la plus paisible qu'elle eût passée depuis un mois.